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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

plus froide que la neige des montagnes à laquelle le sauvage compare le teint de sa maîtresse. Cet acte n’est pas réussi. La décoration de la ville, qui s’élève aux sons et à la voix d’Amphion, a paru pitoyable. Nos mauvais plaisants ont conseillé au sauvage, après la cession de sa maîtresse et sa conversion à la vie civile, d’acheter une charge de grand maître des eaux et forêts, parce que, dans le commencement de l’acte, il parle sans cesse de forets, d’eaux et de montagnes.

— On a gravé, d’après le dessin de M. de Carmontelle, le portrait de Mlle Allard et celui de M. Dauberval, dansant, dans l’opéra de Sylvie qu’on a joué l’hiver dernier, un pas de deux qui eut un grand succès. Mlle Allard y représentait une nymphe de la suite de la chaste déesse, et par conséquent insensible à l’hommage du berger Dauberval. Ce berger triomphe enfin des rigueurs de la nymphe de Diane, mais M. de Carmontelle a pris le moment où son hommage est rejeté avec dédain. Cette nymphe et ce berger sont deux sujets charmants et de la première force du théâtre de l’Opéra. L’espérance de les voir danser fait supporter jusqu’à deux scènes de psalmodie braillée, qu’on appelle chant à ce théâtre. On vend cette estampe au profit de Mlle Allard. Dans deux mille ans, ce sera un monument bien curieux, et qui donnera à la postérité une étrange idée de ce que nous appellions grâce au théâtre et en danse.

M. Duni, auteur de plusieurs opéras-comiques du nouveau genre, ayant fait un voyage en Italie, sa patrie, quelques-uns de ses amis ont choisi son absence pour faire graver une de ses pièces intitulée le Rendez-vous. Ce compositeur, de retour depuis environ un mois, a trouvé chez lui les planches de cet ouvrage ; ainsi il pourra le vendre tout entier à son profit. Ses amis le lui ont dédié à lui-même par une épître qu’on trouve après le frontispice. Le Rendez-vous n’a eu que quatre représentations. La pièce, qui est de M. Legier, est froide et maussade. La musique en est agréable ; mais elle n’a pu faire supporter l’insipidité du poëte. L’air en rondeau : Quand on est bonne ménagère eut un succès prodigieux, et a conserve sa vogue malgré la chute de la pièce. Les éditeurs de cette pièce auraient dû donner la préférence à la Plaideuse de M. Duni sur ce Rendez-vous. Cette Plaideuse, dont M. Favart avait fait le poëme, n’eut point de succès non plus, M. Favart s’y fit huer ;