Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/469

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
459
OCTOBRE 1767.

mais la musique etait charmante. C’est sans contredit l’ouvrage le plus fort de M. Duni.

M. Midy, secrétaire du roi et académicien de Rouen, vient d’adresser une lettre à M. Panckoucke, libraire à Paris et imprimeur du Grand Vocabulaire français. Cette lettre contient une critique fort amère du premier volume de ce Vocabulaire, le seul qui ait paru jusqu’à présent. M. Midy a beaucoup d’humeur ; il reprend aigrement les auteurs sur un grand nombre de bévues commises dans ce premier volume, surtout dans les articles de mythologie, d’histoire et de géographie ancienne. J’observerai à M. Midy qu’on pourrait relever toutes ces fautes sans tant d’âcreté bilieuse, et que s’il n’y prend garde, les vocabulistes français, comme il les appelle, lui donneront la jaunisse ; car ils m’ont bien l’air de lui laisser bien des fautes à relever dans leur compilation. À en juger par l’échantillon de leur premier volume, on ne peut se cacher que cette compilation est faite avec une précipitation très-répréhensible, et que les auteurs manquent également, et de capacité, et de bonne volonté. Dans le fait, ils n’ont fait que de copier sans soin et sans discernement Moréri, et les autres dictionnaires, quoiqu’ils aient le front de faire l’éloge de leur dictionnaire aux dépens de tous les autres. Cette espèce de brigandage littéraire, si fort à la mode aujourd’hui, est contraire aux premiers principes de probité ; et M. Capperonnier aura à se reprocher d’avoir honoré le Vocabulaire français d’éloges si magnifiques et si peu mérités. Je suis bien plus choqué que M. Midy de certaines négligences. Celle avec laquelle la plupart des définitions sont faites est inexcusable ; mais M. Midy n’en veut qu’aux fautes d’érudition. Il tracasse aussi les auteurs sur leurs observations prosodiques ; mais il n’est pas toujours de bonne foi, ou du moins il n’a pas toujours raison. Ils disent par exemple dans le mot accabler : les deux premières syllabes sont brèves. À cela M. Midy leur oppose l’autorité de M. l’abbé d’Olivet, qui dit : able est long dans quelques verbes, comme il m’accable ; mais de ce que la seconde syllabe d’accable est longue, il ne s’ensuit nullement que cette seconde syllabe le soit aussi dans accabler. Au reste, si je ne craignais d’échauffer la bile de M. Midy je lui confierais que je me moque beaucoup de ces vétilles de prosodie dans une langue qui n’en observe aucune dans sa versification.