Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/48

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fait m’a été certifié par un grand et savant médecin. Astruc était un des hommes les plus décriés de Paris. Il passait pour fripon, fourbe, méchant, en un mot pour un très-malhonnête homme. Il était violent et emporté, et d’une avarice sordide. Il faisait le dévot, et s’était attaché aux jésuites dans le temps qu’ils avaient | tout crédit et toute puissance. Il est mort sans sacrements, parce qu’il ne voyait plus rien à gagner par l’hypocrisie au delà du trépas. C’est un savant et méchant homme de moins. Il était beau-père de M.  de Silhouette, qu’un ministère de quelques mois a rendu l’objet de la haine publique ; le gendre a aussi toujours affiché la dévotion, et le public ne croit guère plus à sa probité qu’à celle de feu son détestable beau-père.


15 mai 1766.

Il me reste un mot à dire sur la musique de la Reine de Golconde. M.  de Monsigny n’est pas musicien de profession, et il n’y a rien qui n’y paraisse. Sa composition est remplie de solécismes ; ses partitions sont pleines de fautes de toute espèce. Il ne connaît point les effets ni la magie de l’harmonie ; il ne sait pas même arranger les différentes parties de son orchestre et assigner à chacune ce qui lui appartient : ses basses sont presque toujours détestables, parce qu’il ne connaît pas la véritable basse du chant qu’il a trouvé, et qu’il met ordinairement dans la basse ce qui devrait être dans les parties intermédiaires. Aussi, toute oreille un peu exercée est bientôt excédée de cette foule de barbarismes, et, en Italie, M.  de Monsigny serait renvoyé du théâtre à l’école, pour étudier les premiers éléments de son art, et expier ses fautes sous la férule ; mais en France, le public n’est pas si difficile, et quelques chants agréables mis en partition comme il plaît à Dieu, des romances surtout, genre de musique national, pour lequel le parterre est singulièrement passionné, ont valu à ce compositeur les succès les plus flatteurs et les plus éclatants. On le regardait même comme l’homme le plus propre à opérer une révolution sur le théâtre de l’Opéra, et à faire la transition de ce vieux et misérable goût qui y règne à un nouveau genre, sans trop choquer les partisans de la vieille boutique et sans trop déplaire aux amateurs de la musique.