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NOVEMBRE 1767.

— Nous venons de recevoir de la manufacture de Ferney une brochure intitulée Lettres à Son Altesse monseigneur le prince de *** sur Rabelais et sur d’autres auteurs accusés d’avoir mal parlé de la religion chrétienne. Écrit de cent quarante pages in-8°. Je crois que M. le prince de *** est un prince en l’air. Quant au patriarche, il fait dans cette brochure le bon chrétien. Il déplore amèrement les progrès du théisme, qui gagne insensiblement, ou plutôt très-sensiblement toute l’Europe ; mais comme il se pique de justice, il convient en même temps que le théisme, qui perd aujourd’hui tant d’âmes, ne peut jamais nuire à la paix des états, ni à la douceur de la société ; qu’il damne sûrement son homme, mais qu’en attendant il le rend paisible ; que s’il est détestable pour l’autre vie, il est excellent pour celle-ci. Il convient aussi que si Jacques Clément, Ravaillac et Damiens avaient été des théistes, il y aurait eu moins de princes assassinés ; mais il est très-éloigné de préférer le théisme à la sainte religion des Damiens et des Malagrida. Il croit seulement qu’il est plus agréable de vivre avec des théistes qu’avec des Ravaillacs et des Brinvilliers, qui vont à confesse… Signor patriarca mio, voi siete un gran pantalone…, Au reste, le seigneur patriarche tient toujours à son rémunérateur ; mais quand le rémunérateur ne donnera plus ni grosses abbayes, ni riches évêchés, je crains que ses actions ne baissent considérablement, et qu’il ne soit a la longue lui-même réformé à la suite de ses rémunérés. La lettre sur les juifs m’a paru assez curieuse ; mais dans les autres on ne trouve guère que des redites, et, en général, ces lettres sont écrites avec une hâte extrême et beaucoup de négligence. Elles forment une brochure qui vaut bien à la rigueur vingt-quatre sols, mais que nous avons eu l’avantage de payer neuf, douze, et même quinze francs.

— Une société de gens de lettres a publié cet été les Vies des hommes et des femmes illustres d’Italie depuis le rétablissement des sciences et des beaux-arts. Deux volumes in-12, qui seront sans doute suivis de plusieurs autres. On trouve dans le premier les vies de Pétrarque, de Laure, de Gravina, de Muratori, de Borgia, de Giannotti Monetti, de Philippe Strozzi, d’Arétinet d’Élie de Cortone ; dans le second, les vies de Galilée, de Tassoni, de Gauthier, de Francois Huppazzoli, d’Hélène-Lucrèce