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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

avait été arrêté en même temps que son père. Le premier ordre d’élargissement était parti des bureaux de M. le duc de Choiseul, dont la bienfaisance soit à jamais bénie ! Ce M. Fabre est actuellement commerçant a Nîmes, et suit la profession de son père. On ignore si ce dernier vit encore ; mais le fils est resté civilement mort, comme ayant été condamné par la loi ; et c’est la tout ce que lui a valu un acte de piété et d’héroïsme si généreux et si rare.

— On croyait le poëme de la Guerre de Genève abandonné, mais MM. de Chabanon et de La Harpe, qui sont de retour de Ferney depuis quelques jours, viennent de nous en apporter le second chant. Les Genevois, qui prétendent qu’ils ont accueilli et servi de leur mieux l’auteur de la Henriade, dans un temps qui n’était pas le plus heureux de sa vie, trouvent que l’auteur de la Guerre de Genève ne s’acquitte pas des mieux des obligations que peut avoir contractées avec eux l’auteur de la Henriade. Ils ont raison sans doute ; mais est-il dans la puissance d’un poëte de réprimer sa verve, de ne pas écrire un bon vers quand il est trouvé, de le jeter au feu quand il est écrit ? Genus irritabile vatum est vrai dans toute l’étendue du terme.

— L’ouvrier de Saint-Claude en Franche-Comté, qui a fait avec beaucoup de succès différents bustes et figures de M. de Voltaire en ivoire et en albâtre, a fait cet été un buste en ivoire de cet homme illustre pour M. le prince de Galitzin, ministre plénipotentiaire de Russie à la cour de France. Ce ministre a confié son buste aux artistes qui dirigent la manufacture royale de porcelaines de Sèvres, et ceux-ci l’ont fait exécuter à la manufacture en biscuit. On vend ce morceau soixante livres. Cela vient à propos pour les étrennes. La ressemblance est parfaite. Je préfère cependant le buste qui a servi de modèle au plâtre de M. Simon, il y a environ un an. Le buste qui appartient à M. le prince de Galitzin a, ce me semble, le col court. Il a aussi l’air un peu paysan et grotesque, au lieu que le premier buste imite très-bien le sourire malin du vénérable patriarche, mais sans nuire à la noblesse. On a voulu tirer un plâtre d’après une figure en ivoire tout entière et en pied du même sculpteur. Celle-ci est frappante, parce que toute l’attitude et l’habitude du corps y sont parfaitement imitées ; mais l’ensemble ne me paraît pas de bon goût. Ce dernier plâtre se vend trois louis.