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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

Nous avons eu sur ce théâtre encore deux autres débutantes. L’une aussi dans les rôles de soubrette. Celle-là est une élève de la troupe particulière de Mme la duchesse de Villeroy, talent de la plus belle médiocrité, bon pour la province. Une autre actrice a débuté dans ce qu’on appelle rôles de caractère. Cette dernière est détestable, et aurait dû faire ses essais sur le théâtre de Nicolet.

En revanche, le Théâtre-Français a fait une perte par la retraite de Mlle Durancy, qui est retournée à l’Opéra. Ma foi, c’est bien fait. Il est permis de s’essayer dans un genre ; il est courageux de dire : Je me suis trompé, et de retourner à son premier métier. Cette pauvre Mlle Durancy chantait à l’Opéra tant bien que mal ; elle y passait pour assez bonne actrice, parce que dans le royaume des aveugles les borgnes sont rois. Tout d’un coup M. d’Argental et M. le marquis de Thibouville lui mettent dans la tête qu’elle est la plus grande actrice tragique, et qu’il ne tient qu’à elle de nous faire oublier Mlle Clairon. Sans compter un organe dur, ingrat, inflexible, elle n’avait pas figure humaine sur ce théâtre, quoique sur l’autre on se fût fait à son air de marmotte savoyarde. Enfin elle a été plus sage que ses protecteurs ; elle s’est rendu justice, et a demandé de rentrer à l’Opéra. Mais le public ne se pique pas de justice comme moi. N’ayant pas réussi à la Comédie-Française, elle a été très-mal reçue à son retour à l’Opéra, où on l’avait applaudie auparavant. Cependant elle ne chante pas plus mal qu’autrefois : au contraire. C’est qu’il suffit dans ce beau monde de souffrir un échec, de découvrir un côté faible, pour qu’on soit tenté de vous tout refuser et de vous faire essuyer mille dégoûts. L’opinion fait tout et sera tout, jusqu’à ce que l’évidence des laboureurs économistes ruraux aura pris le dessus dans ce monde.

Quelques jours avant les Deux Sœurs de la Comédie-Française, on a donné sur le théâtre de la Comédie-Italienne les Femmes et le Secret, opéra-comique nouveau dont les paroles sont de M. Quétant, et la musique de M. Vachon, premier violon de M. le prince de Conti. Prenez M. Quétant et M. Vachon, pilez-les ensemble dans un mortier, et vous n’en tirerez pas un grain de génie. Le premier a pourtant fait l’opéra-comique du Maréchal, qui n’est pas sans mérites, et le