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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

à cœur. Ainsi il a mieux aimé manquer à son corps qu’à l’âme égarée de M. Marmontel ; et, rendant la censure publique, il a publié comme doctrine de la Sorbonne sur la tolérance civile ce qu’aucun docteur n’avait ni vu, ni dit, ni approuvé. Ce tour de passe-passe a fait un terrible bruit au prima mensis. La maison du Seigneur a pensé être sens dessus dessous de cette aventure ; mais Riballier, aussi prudent que courageux quand il n’y a rien à craindre, avait prévu l’orage, et pour s’en garantir, il s’était muni d’une lettre de cachet qui défendait à la Sorbonne de délibérer sur cet objet. Elle fut obligée de se contenter d’inscrire dans ses registres que depuis tel endroit jusqu’à la fin, la censure n’était pas l’ouvrage de la Faculté ; mais cette réclamation clandestine ne remédie pas au scandale d’une doctrine mitigée. On assure que cette affaire n’est pas terminée, et qu’une partie du sacré corps, très-irritée contre la témérité de son syndic, se propose de faire encore plus d’une fois beau bruit aux assemblées. Nous sommes bien convaincu que s’il reste quelque chose de ridicule ou d’absurde à faire, la Sorbonne ne résistera pas à sa vocation. En attendant, le bruit se répand que la cour de Rome a fait mettre la censure de Bélisaire dans l’Index, à cause du paragraphe sur la tolérance civile. Cette rude épreuve manquait à la foi robuste des Sorbonniqueurs.

L’auteur de Bélisaire, pour répondre à la censure de la Sorbonne, a jugé à propos de faire imprimer les lettres dont il a été honoré par des têtes couronnées, des princes et autres personnes constituées en dignité, et dont quelques-uns font mention honorable de la Sorbonne. On trouve dans ce recueil une lettre de l’Impératrice de Russie, une du roi de Pologne, une apostille de la reine de Suède au bas de la lettre de son grand chambellan, une lettre du prince royal de Suède, une de M. le comte de Scheffer, sénateur de Suède, et le fragment d’une lettre de M. le baron Van Swieten, fils du premier médecin de Leurs Majestés impériales. La publication de ces lettres n’a pas répondu à l’attente de M. Marmontel. On l’a en général regardée comme l’effet d’une vanité bien déplacée. On a dit que, dans le chapitre des procédés, la lettre d’un particulier étant un dépôt confié qui ne pouvait être rendu public sans sa permission, à plus forte raison les lettres des personnes du