Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/52

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son comble, à moins que ce chœur ne consiste dans l’exécution de quelque hymne ou de quelque autre chant consacré par la religion et l’usage, et que le peuple peut être supposé de savoir par cœur. On a emprunté les chœurs du théâtre ancien ; mais en cela, comme en beaucoup d’autres choses, on a montré peu de jugement. La représentation théâtrale avait tout un autre but chez les peuples anciens que chez nous : c’était un acte de religion et d’instruction publique. Cette dernière partie était particulièrement confiée au chœur. C’était pour ainsi dire un personnage moraliste et intermédiaire entre l’acteur et le spectateur, chargé d’inspirer à celui-ci de bons sentiments moraux résultant du fond du sujet. Quand il quitte le rôle de moraliste, et qu’il se mêle à l’action, la foule se tait, et il n’y a plus qu’un ou deux interlocuteurs qui parlent. Le caractère distinctif des ouvrages anciens est ce jugement sûr et profond qui accompagne toujours les opérations du vrai génie. Nous autres peuples modernes, nous ne sommes que des enfants et des singes qui avons imité à tort et à travers, et souvent contre le bon sens, ce que nous avons trouvé établi chez nos maîtres. Aussi il n’y a rien qui n’y paraisse ; et pour s’en convaincre on n’a qu’à comparer la gravité des chœurs de Sophocle avec la frivolité et la pauvreté des chœurs de Quinault.

M. de Monsigny, au lieu de donner un bon exemple en retranchant les chœurs de son opéra, les a multipliés à l’excès, et a perpétué, autant qu’il a dépendu de lui, un défaut qu’on a la sottise de regarder comme une beauté, tandis que les Italiens l’ont retranché depuis longtemps, et avec beaucoup de jugement, de leur spectacle musical.

En quatrième lieu, aussi longtemps que lon mélera la danse avec le chant, les scènes et les ballets, il sera impossible qu’il y ait jamais un véritable intérêt dans un poëme d’opéra ; et le moyen d’attacher et de procurer du plaisir par la représentation théâtrale, lorsqu’elle est dépourvue d’intérêt, ou que cet intérêt se réduit à une scène dans tout le cours de la pièce, au lieu qu’il doit commencer avec elle, et croître par gradation de scène en scène, jusqu’au dénoûment ? Les Italiens ont absolument banni et séparé la danse de leur opéra, et ont montré en cela autant de discernement que de goût. En France, au contraire, on regarde la réunion de la danse et du chant