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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

blique des lettres ; il faut qu’on reprenne Montesquieu avec la même liberté que M. Linguet, pourvu qu’on n’attache pas à ses observations une trop grande importance, et qu’on soit convaincu que quand on en aurait fait dix mille de très-justes et de très-bien fondées, on n’aurait pas encore brisé un fleuron de la couronne qui ceint ces têtes immortelles. Un esprit juste et sage ne se permettra jamais de mépriser un auteur original de quelque siècle que ce soit ; ce sont les copistes, les courtiers, les metteurs en œuvre des idées des autres, qu’il faut mépriser, à moins qu’ils ne rachètent la pauvreté de leur fonds par une parure et par des agréments extérieurs qui puissent la faire oublier.

— Lorsque M. de Voltaire eut fait paraître ses commentaires sur les pièces de Pierre Corneille, une société de gens de lettres proposa au public, par souscription, un travail à peu près pareil sur les tragédies de Racine. Le répondant de cette société, dont on ne connaissait pas un seul membre, était M. Luneau de Boisjermain, lequel n’ayant aucun bien de littérature au soleil n’était pas partie bastante pour répondre de son propre mérite, encore moins de celui d’une société que la double audace de commenter Racine et de se donner un air de successeurs ou de continuateurs d’un travail de M. de Voltaire devait rendre très-suspecte. Cette société vient de publier son Racine en six volumes grand in-8°, ornés d’estampes et de vignettes#1, et accompagné de remarques d’une bassesse de sentiments, d’une ignorance, d’une platitude révoltantes. Tout le monde se récrie sur l’insolence des éditeurs d’avoir osé présenter un tel travail aux yeux du public ; moi, je me récrie sur l’imbécillité du public qui contribue par ses souscriptions à l’exécution de telles entreprises. C’est si les commentaires de M. Luneau de Boisjermain et compagnie avaient été passables qu’il aurait fallu se récrier de surprise ; mais puisque le public aime à seconder de si beaux projets, il n’a que ce qu’il mérite, et je suis enchanté qu’il soit si bien payé de ses avances.

Leçons sur l’économie animale, par M. Sigaud de La Fond, maître de mathématiques. Deux volumes in-12. Maître Sigaud de La Fond a déjà donné un Cours de physique destiné[1]

  1. Portrait par Santerre et douze figures par Gravelot.