Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/86

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lier de La Barre, et un enfant de dix-sept ans appelé Moisnel. La sentence rendue à Abbeville, le 28 février dernier, condamne Gaillard d’Étallonde à faire amende honorable, à avoir la langue et le poingt coupés, et à être brûlé vif. Cet infortuné s’était heureusement sauvé en Angleterre avec deux de ses complices. Jean-François Le Fèvre, chevalier de La Barre, est condamné, par la même sentence, à faire amende honorable, à avoir la langue coupée, ensuite la tête tranchée et son corps réduit en cendres. On sursit, par cette sentence, au jugement des trois autres accusés, dont l’un, Charles-François Moisnel, était en prison avec le chevalier de La Barre. Les sentences criminelles ont besoin d’être confirmées par un arrêt du Parlement dans le ressort duquel on les rend. L’affaire d’Abbeville est portée au Parlement de Paris. Ici, ces jeunes malheureux, en se défendant par des mémoires imprimés, pouvaient espérer d’exciter la commisération publique ; mais M.  Le Fèvre d’Ormesson, président à mortier, bon criminaliste, dont le chevalier de La Barre était proche parent, s’étant fait montrer toute la procédure d’Abbeville, jugea qu’elle ne serait point confirmée par le Parlement, et empêcha qu’on défendit publiquement son parent et les autres accusés. Il espérait que ces enfants, renvoyés de l’accusation sans éclat, lui sauraient gré un jour d’avoir prévenu la trop grande publicité de cette affaire malheureuse. La sécurité de ce magistrat leur a été funeste ; on peut poser en fait que le moindre mémoire, distribué à temps en leur faveur, aurait excité un cri si général que jamais le Parlement n’aurait osé confirmer la sentence d’Abbeville. Un arrêt du 4 juin passé l’a confirmée ; et, après beaucoup de sollicitations inutiles pour obtenir grâce du roi, le chevalier de La Barre a été exécuté à Abbeville le 1er juillet. Il est mort avec un courage et avec une tranquillité sans exemple. L’arrêt le déclare atteint et convaincu d’avoir passé à vingt-cinq pas devant la procession du saint Sacrement sans ôter son chapeau et sans se mettre à genoux ; d’avoir proféré des blasphèmes contre Dieu, la sainte Eucharistie, la sainte Vierge, les saints et les saintes mentionnés au procès ; d’avoir chanté deux chansons impies ; d’avoir rendu des marques de respect et d’adoration à des livres impurs et infâmes ; d’avoir profané le signe de la croix et les bénédictions en usage dans l’Église, Voilà ce qui a fait trancher la tête à un enfant