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JUILLET 1768.

curent une très-grande fortune dans l’autre monde, mais il faut d’autres cargaisons dans celui-ci.

« Si le patron va aux Grandes-Indes, je le prierai de se charger d’une lettre pour un brame avec qui je suis en correspondance, et qui est curé à Bénarès sur le Gange. Il m’a prouvé que les brames ont plus de quatre mille ans d’antiquité. C’est un homme très-savant et très-raisonnable ; il est d’ailleurs beaucoup plus baptisé que nous ; car il se plonge dans le Gange toutes les bonnes fêtes. J’ai dans ma solitude quelques correspondances assez éloignées, mais je n’en ai point encore eu qui m’ait fait plus d’honneur et plus de plaisir que la vôtre.

« Je n’ai pu vous écrire de ma main, étant très-malade, mais cette main tremblante vous assure que je serai jusqu’au dernier moment de ma vie, monsieur, votre, etc.[1] »

— Il s’est trouvé dans la bibliothèque de feu M. Gaignat un manuscrit qui ne pourra pas être annoncé dans le catalogue qu’on prépare, ni être vendu avec une certaine publicité. On l’a déposé chez le libraire Debure, où je l’ai vu par la protection des héritiers de M. Gaignat : ce sont les Contes de La Fontaine, en deux volumes, grand in-4° ou petit in-folio, écrits à la main sur du vélin. Le caractère est de la plus grande beauté, et le texte de la plus grande correction. À la tête de chaque conte il y a un tableau en miniature, représentant le sujet du conte ; et, à la fin de chaque conte, on trouve des arabesques pour vignettes, traitées avec beaucoup d’esprit et de finesse. La plupart des tableaux sont très-lascifs ; d’autres ne le sont pas assez. Il me semble que lorsqu’il y a un ton donné, il faut le suivre, et que tout contraste est choquant ; quand je suis en mauvais lieu, je ne m’attends pas à voir rien d’honnête ni rien de ménagé. M. Gaignat a fait faire ce manuscrit chez lui et sous ses yeux par deux artistes distingués. Le sieur Monchaussé a parfaitement imité, dans l’écriture du texte des nouvelles, les plus beaux caractères gravés. Les tableaux, culs-de-lampe, etc., ont été peints avec une grande perfection par le sieur de Marolles, peintre d’une grande réputation. On prétend qu’il lui a

  1. Le Discours étant déjà imprimé dans les Œuvres de Voltaire, nous avons cru devoir le supprimer. (Premiers éditeurs.) Voir dans les Épîtres de Voltaire l’épître À mon Vaisseau. (T.)