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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

la Chine, de publier un édit de proscription contre les moineaux et contre les chenilles, et d’appliquer aux revenus de l’État ce qui est consommé annuellement par ces deux espèces. Voilà una freddura des plus insignes ; cela est mauvais et plat. M. Linguet n’est ni gai ni plaisant. Il pourra renoncer à la satire quand il voudra ; ce n’est point du tout son genre. Il y a dans cette froide plaisanterie des traits satiriques contre M. de Buffon, et surtout contre son aide de camp, M. Daubenton. Ce qu’il y a de plus passable, c’est la description d’une chenille par laquelle l’auteur désigne les prêtres.

— L’Académie royale des sciences vient de perdre son doyen, le célèbre géographe Jean-Nicolas Delisle, qui a poussé sa carrière jusqu’à quatre-vingt-un ans[1]. Il était astronome-géographe de la marine, lecteur, professeur et doyen des professeurs royaux, et agrégé aux plus célèbres Académies de l’Europe. Antoine Deparcieux, de l’Académie royale des sciences, mathématicien et mécanicien très-distingué, est mort le 2 de ce mois à l’âge de soixante et quelques années ; c’est une perte[2]. Le bonhomme Deparcieux ressemblait pour la figure à un tailleur ; c’était un honnête homme et un très-habile machiniste. Son projet favori, ou sa folie, si vous voulez, était de donner de l’eau à toutes les maisons de Paris en y conduisant, par des aqueducs, les eaux de trois petits ruisseaux qui se trouvent à peu de distance de cette capitale. Il a publié à ce sujet plusieurs Mémoires que le gouvernement a fait imprimer à l’Imprimerie royale, et c’est là tout le profit que nous tirerons de ce projet bon ou mauvais.

— L’Académie de Rouen a aussi perdu un homme connu, qui était son secrétaire. Claude-Nicolas Le Cat était chirurgien de profession ; mais il s’était fait docteur en médecine ; et il embrassait tous les genres de littérature et de philosophie. C’était un homme médiocre en tout, remplissant toujours les jour-

  1. Delisle (Joseph-Nicolas et non Jean-Nicolas, comme le dit Grimm), était beaucoup plus célèbre comme astronome que par ses connaissances en géographie, science où son père et son frère aîné, Guillaume Delisle, avaient acquis un très-grand renom. Il était né en 1688. Outre les ouvrages imprimés qu’on a de lui, il a laissé des portefeuilles remplis de notes et d’observations manuscrites, que l’on conserve au dépôt des plans et des journaux de la marine. (T.)
  2. Deparcieux était né en 1703. On distingue parmi ses ouvrages son Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine, 1746, in-4°.