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SEPTEMBRE 1768.

tendre ces paradoxes, et qui n’entend que les miracles de M. Pâris, n’a pas manqué d’attaquer les opinions de M. Linguet avec sa politesse ordinaire, et de le traiter avec le dernier mépris ; mais M. Linguet n’a pas la tête assez froide pour recevoir ces à-compte gratis. Il vient de publier des Lettres sur la nouvelle traduction de Tacite, par M. l’abbé de La Bletterie, avec un petit recueil de phrases élégantes tirées de la même traduction, pour l’usage de ses écoliers, brochure in-12, d’environ cent soixante-dix pages ; et pour que le poli La Bletterie ne puisse se méprendre sur la main qui lui fait ce remboursement, l’auteur y a mis son nom en toutes lettres. Ce qu’il y a de plus désolant dans cette brochure pour le traducteur de Tacite, c’est une liste spécifiée des à-compte qu’il a donnés à Tacite, c’est-à-dire un recueil de phrases élégantes, tirées de sa traduction. On dit que ce recueil lui a donné la jaunisse ; mais on ne peut plaindre un homme qui a provoqué d’une manière si insolente des gens qui ne pensaient pas à lui. Dans les lettres dont ce recueil de phrases remarquables est précédé, M. Linguet prouve que l’abbé de La Bletterie ne sait ni le latin ni le français, et qu’il n’est en état de donner des à-compte ni à Tacite ni à personne ; mais tout cela est fait longuement et n’est ni assez gai ni assez piquant, et j’entrevois que si M. Linguet, que je n’ai jamais vu, sait mieux le latin que l’abbé de La Bletterie (ce qui est fort aisé), il ne le sait guère mieux que beaucoup de gens de son pays. Si le chef de la manufacture de Ferney s’était donné la peine d’éplucher la traduction du vieux janséniste, je suis sûr qu’il nous aurait fait mourir de rire, même en n’employant que les matériaux que M. Linguet a ramassés. Une critique qui n’est pas gaie est oubliée au bout de huit jours ; celle de M. Linguet l’est déjà ; mais cela n’empêchera pas, je crois, l’abbé de La Bletterie de se souvenir longtemps d’avoir publié sa traduction de Tacite.

M. Linguet nous a gratifiés encore d’un autre écrit de quarante-sept pages in-12, intitulé la Pierre philosophale, discours économique prononcé dans l’Académie impériale de Fongyang-fou par le lettré Kong-Kia. Cela voudrait être une satire contre les économistes politiques et contre les faiseurs de systèmes et de théories d’impôts. L’auteur propose d’abolir les fermes, et, pour en remplir le vide dans le trésor impérial de