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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

à ce qu’on en a dit, ni à ce qu’on n’en a pas dit ; à l’exception de moi et de quelques jansénistes malveillants, personne ne sait que ce panégyrique ait été publié. Je me souviens qu’on exaltait beaucoup, dans le temps, la manière dont l’orateur avait traité le chapitre des Croisades. Eh bien ! je l’ai lu, ce morceau : l’auteur blâme beaucoup ces saintes entreprises de brigands débauchés et dévots. Il n’y a donc point de milieu ; et faut-il absolument crier au miracle ou au scandale quand il arrive à un homme, en chaire, de traiter un sujet avec l’apparence du bon sens ? Il se peut que M. l’abbé de Bassinet soit un de nos bons orateurs sacrés ; mais si cela est, nous sommes bien mal outillés en apôtres.

— Deux autres apôtres de l’Église de France viennent d’élever leur voix en prononçant l’oraison funèbre de la reine. M. Jean-Georges Le Franc de Pompignan, évêque du Puy-en-Velay, a prononcé la sienne dans l’église de Saint-Denis, le jour des obsèques ; M. Mathias Poncet de La Rivière, ancien évêque de Troyes en Champagne, a rempli ce même devoir le jour du service solennel célébré pour le repos de l’âme de Sa Majesté dans l’église de Notre-Dame de Paris. Les deux prélats ont fait imprimer leurs discours[1]. Celui de l’ami Jean-Georges était tombé tout à plat à Saint-Denis, et il ne s’est pas relevé depuis son impression. Il a fait bâiller d’ennui tous les auditeurs, et les lecteurs ont fait de ses platitudes un objet d’amusement. Les faiseurs de pointes n’ont pas manqué une si belle occasion d’en dire. Quand on a dit qu’on a dû avoir bien chaud dans l’église de Saint-Denis, ils ont répondu qu’on avait heureusement la fraîcheur du puits. Le mauvais succès de l’ami Jean-Georges a fait tout le bien imaginable à son émule l’ami Mathias ; on a trouvé l’Oraison funèbre de ce dernier assez bien. Ma foi, je donnerai la préférence à celle qu’on voudrait, pour une épingle. Il se peut qu’il y ait par-ci par-là dans le bavardage de l’ami Mathias une demi-page de passable, mais cela est racheté aussi par de terribles pauvretés, et je plains ceux qui trouvent de bonne foi quelque mérite à de tels morceaux d’éloquence.

L’abbé Galiani prétend qu’il y a trois sortes de raisonnements ou plutôt de résonnements : raisonnements de cruches,

  1. Imprimés tous deux, 1768, in-4°.