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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/487

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Éloge historique de Gaspard-François Belon de Fontenay, lieutenant général au service de Saxe, et ministre plénipotentiaire de la cour de Dresde à la cour de France, par l’auteur des Mémoires du chevalier de Kilpar#1. Écrit in-8°, de trente pages. Je ne connais ni M. le chevalier de Kilpar ni son historien, et je suis à cet égard dans le cas de tout le monde ; mais je suis bien aise d’avoir lu l’Éloge du général de Fontenay, car il est d’une platitude et d’une bêtise très-piquantes.

L’auteur dit que personne n’avait plus que le général de Fontenay les qualités nécessaires à voir la possibilité d’un projet. Il dit que, s’il lui était permis de dévoiler les secrets de son cabinet, on verrait qu’il a eu plus de part qu’on ne pense aux orages qui grondent actuellement dans le Nord. C’est, je crois, la première fois qu’on a loué un homme d’avoir été brouillon. Rien n’est beau comme la magnificence de style avec laquelle l’historien conduit son héros en ambassade à la cour de France, au commencement de la guerre de 1756. Il lui ouvre une jambe en deux ou trois endroits, la fait suppurer abondamment, couvre la campagne de partis prussiens, enfonce son Fontenay dans des chemins creusés dans le roc et entourés de précipices, pour le faire enfin arriver à Paris glorieusement et sans accident. Mais, hélas ! il se trouvait alors, continue le panégyriste, dans un royaume étranger, sans autres ressources que celles de son génie : car ses pensions, ses appointements, c’est sur quoi il ne devait point compter. Ainsi voilà le pauvre général de Fontenay constitué chevalier d’industrie.

En revanche, après la guerre, c’est un grand homme. Il reçoit des sommes considérables de sa cour ; l’usage qu’il en fait est aussi louable que rare. Après cela, devinez à quoi il employa son argent ? Conduit par un esprit d’équité, il commence par payer les dettes que les malheurs du temps l’avaient obligé de contracter. Ma foi, ces platitudes-là ont leur prix, et je m’en accommode de temps en temps à merveille. Le panégyriste finit par le portrait du général, dont il fait une figure charmante, et par l’ébauche de son caractère moral, qu’il donne pour un modèle de vertus austères. Hélas ! le pauvre général avait l’air d’un gros fermier général lourd et pesant ; il était d’ailleurs un[1]

  1. L.-L.-J. Gain de Montagnac.