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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/486

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père, qui est pourtant la plus belle de la pièce : car après avoir inutilement employé le ton de persuasion et de modération, il doit déclarer à ce père inflexible que les vœux de sa fille ne se prononceront pas, qu’ils sont nuls, parce qu’ils ne sont pas libres, et que son ministère ayant été une fois employé, sa conscience ne lui permet pas d’autoriser, par son silence, une violence aussi contraire au droit naturel et aux lois établies qu’opposée aux principes de la religion. Une telle discussion aurait entraîné un autre ton de vigueur et de vérité ; mais quand vous tenez Mélanie, n’oubliez pas que vous lisez une héroïde, passez-lui la faiblesse et le faux de ce genre, et vous ne serez pas mécontent.

Mme Necker ayant envoyé au patriarche l’ouvrage de l’abbé Galiani, M. de Voltaire lui a fait la réponse suivante :

« Il me paraît, madame, que le plaisir de servir le public est un excellent remède pour M. Necker. On dit qu’il a parlé avec la plus grande éloquence à la séance de la compagnie des Indes. Je vois de plus en plus que vous étiez faits l’un pour l’autre.

« J’ai lu l’abbé Galiani. On n’a jamais été si plaisant à propos de famine. Ce drôle de Napolitain connaît très-bien notre nation : il vaut encore mieux l’amuser que la nourrir. Il ne fallait aux Romains que panem et circenses ; nous avons retranché panem, il nous suffit du circenses, c’est-à-dire de l’opéra-comique.

« Vous êtes bien bonne, madame, de tenir encore pour l’ancien goût de la tragédie. Soyez bien persuadée que vos lettres me font beaucoup plus de plaisir que les battements de mains du parterre ; vous êtes mon public. J’ai l’honneur d’être, etc. »

— Je ne sais quel polisson, enhardi par l’impunité de l’avocat Marchand, a encore remué les cendres mouillées du grand Poinsinet, en publiant un petit écrit d’une trentaine de pages, intitulé Poinsinet et Molière, dialogue dédié à M. Piron[1]. Ce sont encore d’insipides plaintes contre les pièces de théâtre qui ont paru depuis quelques années. Poinsinet et Molière se parlent en vers ; mais on peut dire que si Poinsinet y parle son jargon, Molière, en revanche, ne parle pas sa langue : c’est que l’un était plus aisé que l’autre. Platitude à jeter au feu.

  1. Par Barthélemy Imbert.