Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par le docteur Bouvart, n’a pas seulement trouvé un vengeur dans le fabuliste Le Monnier ; son ancien ami, Simon Bigex, établi au château de Ferney, s’est aussitôt mêlé de la querelle. Anciennement et fortement attaché à M. Petit, il s’est cru obligé de traiter M. Bouvart comme celui-ci a traité M. Petit, et de lui adresser ses douceurs dans un écrit de vingt-huit pages intitulé Lettre de M. Lépreux, docteur régent de la Faculté de médecine en l’Université de Paris, à M. Bouvart, docteur régent de la même Faculté, ancien professeur au Collège royal de l’Académie royale des sciences, chevalier de l’ordre de Saint-Michel, etc., etc. Je demande pardon à M. Simon Bigex de l’avoir appelé l’année dernière Antoine Bigex, et de lui avoir donné pour patron un simple saint lorsqu’il a l’honneur d’appartenir à un apôtre. Il me semble que Simon Bigex a du goût pour le genre polémique ; cependant sa discussion littéraire de l’année dernière avec Antoine Adam, ci-devant soi-disant jésuite, ne lui a pas réussi. Le scandale que la procédure criminelle du philosophe Simon Bigex contre le prêtre Antoine Adam faisait dans le pays de Gex a déplu au seigneur patriarche. Il a composé le procès à la gloire entière de Simon : Adam, par un acte devant notaire, a déclaré Simon Bigex incapable d’avoir volé des fruits, et lui a payé volontairement dommages et intérêts. Il paraît que sa victoire ne lui a pas tourné à profit, il paraît que la nièce Denis a fait le rôle de Caton, elle s’est rangée du côté du vaincu, et le vainqueur Bigex vient d’être obligé de quitter le château de Ferney. Ses services rendus à la vigne du Seigneur n’ont pu le garantir de ce malheur. Je crois que son généreux protecteur lui a assigné une petite pension en lui donnant son congé. Bigex s’est retiré dans son village en Savoie, à peu de distance de Genève, d’où il prétend qu’il ira tous les ans, au mois de décembre, faire le pèlerinage du château de Ferney, en vertu de la permission spéciale qu’il en a obtenue. Il aura le temps de méditer dans sa retraite sur la vanité des succès, et, en jetant un coup d’œil philosophique sur la gloire, de se dire : J’ai copié pendant longtemps des feuilles pour les premières têtes de l’Europe, j’ai écrit ensuite sous la dictée du plus beau génie du siècle, et me voilà.

M. l’abbé Le Monnier, que nous appelons le sacristain de la Sainte-Chapelle, parce qu’il a une petite place dans le cha-