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MAI 1768.

mais tout en s’éteignant il donne à souper et s’occupe de son livre, pour accomplir jusqu’à la fin ce qui a été dit par le prophète Voltaire,

Hénault, fameux par vos soupers
Et par votre Chronologie…

Il a dédié sa nouvelle édition à la reine, qui ne se porte pas mieux que lui.

M. l’abbé Laugier vient de publier une Histoire des négociations pour la paix conclue à Belgrade, le 18 septembre 1739, entre l’empereur de la Russie et la Porte-Ottomane, par la médiation et sous la garantie de la France. Deux volumes in-12 assez considérables. Les talents de M. l’abbé Laugier pour l’histoire sont médiocres. Il a écrit une Histoire de la République de Venise, qui est restée sans réputation. Ses deux ouvrages sur l’architecture ont eu plus de succès. L’on y a reconnu des vues justes et de bons principes. M. l’abbé Laugier était jésuite lorsqu’il composa son premier Essai sur l’architecture ; il prêcha ensuite un carême devant le roi. Ainsi voilà bien des carrières différentes. Il avait prononcé ses derniers vœux ; mais il remua tant qu’il en fut relevé par le pape Benoit XIV, et qu’il lui fut permis de quitter l’habit de Saint-Ignace il y a environ dix ou douze ans. Cela lui donna alors la réputation d’une mauvaise tête ; mais on peut dire aujourd’hui que cette mauvaise tête eut le nez bon. Il se trouve maintenant fort tranquille à Paris, tandis que la Société est chassée de France. Il a composé son Histoire de la paix de Belgrade sur les mémoires de feu M. de Villeneuve, ambassadeur du roi à Constantinople, et en cette qualité médiateur entre les puissances belligérantes. C’est un livre de bibliothèque qu’il faut avoir, parce que nous n’avons rien sur ce point intéressant de l’histoire de notre temps. M. de Villeneuve passait pour un habile négociateur. À son retour de Constantinople, on voulut le faire ministre des affaires étrangères ; mais il refusa ce poste brillant, et mourut bientôt après dans la retraite. Pour faire son éloge, il ne faudrait pas s’en rapporter aux mémoires du feu pacha à trois queues, comte de Bonneval, qui le détestait bien cordialement.

La Promenade utile et récréative de deux Parisiens en