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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/112

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Peinture, j’ai mon Hypermnestre, j’ai mon Guillaume Tell… » Et toute la kyrielle des tragédies tombées à qui il a trouvé de bonne foi de bons succès d’été. Il ne sait pas qu’on peut avoir beaucoup de ces biens au soleil dans Paris, et coucher auprès.

— Sa Majesté le roi de Prusse ayant laissé à M. d’Alembert le soin de fixer sa souscription pour la statue à élever à Voltaire, M. d’Alembert lui a répondu : Un écu, Sire, et votre nom[1]. On en pourrait dire autant à tous les souverains dont le nom auguste honorerait et consacrerait cette entreprise à l’immortalité. On sait bien qu’ils peuvent ordonner et payer une statue sans se ruiner ; mais s’associer pour ce tribut avec ceux qui l’ont imaginé, permettre que leur nom soit confondu avec celui de simples citoyens dans un hommage rendu à l’homme du siècle qui a le mieux mérité de l’humanité, c’est accorder aux lettres, à la philosophie, à la vertu, le plus noble encouragement qu’elles aient jamais reçu.

À Paris, M. le maréchal de Richelieu a été le premier à demander d’être admis à la cour des pairs, pour concourir à cette entreprise. Il envoya cinquante louis à l’abbé Raynal, comte et pair en la cour, pour plusieurs ouvrages. Ce pair ecclésiastique fit prier M. le maréchal de vouloir bien se rapprocher des souscriptions de ses coassociés par une somme moins forte. En conséquence, le maréchal la réduisit à vingt louis. Quoique le secret des délibérations de la cour doive être invariablement gardé, je veux bien convenir que, lorsque cette affaire fut proposée, un de messieurs (c’était peut-être moi) fut de l’avis d’un arrêté portant en substance que la cour, suffisamment garnie de pairs, avant de faire droit sur la requête de mondit seigneur le maréchal de Richelieu, avait préalablement ordonné que l’intendant ou homme d’affaires dudit seigneur eût à comparaître devant elle pour être ouï, à l’effet de savoir si la rente viagère due par mondit seigneur maréchal à messire de Voltaire, seigneur de Ferney et autres lieux, patriarche in petto de Constantinople, sous la dynastie de Catherine II, glorieusement régnante, et chef des fidèles de la nouvelle loi (laquelle rente aucuns disaient être due et en retard depuis nombre d’années), était fidèlement et exactement acquit-

  1. Lettre de d’Alembert au roi de Prusse, du 12 août 1770.