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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/134

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fut d’ailleurs excessivement court. Il y a non-seulement de l’esprit à cela, mais encore une sorte d’orgueil. Les gens du monde et de la cour que l’Académie reçoit ne regardent pas cet honneur du même œil que les gens de lettres. C’est pour les premiers une branche de laurier qu’ils attachent à leur chapeau avec indifférence, et qui est à peine aperçue parmi les cordons, les bâtons de maréchal, les houpes d’évêques ou d’archevêques ou d’autres dignités : l’homme de lettres, au contraire, tire sa principale considération du bonheur d’être de l’Académie ; le jour de sa réception est pour lui un jour de triomphe, et il prétend en prolonger la pompe le plus qu’il lui est possible : voilà l’origine des discours qui ne finissent point.

Mais une fois reçu, ne serait-il pas de l’intérêt de l’homme de lettres d’imiter cette brièveté que les gens de la cour et du monde n’observent peut-être que parce qu’ils ne savent ni parler ni écrire ? On ne saurait jamais être trop court, et ceux qui veulent tout dire, même en disant les meilleures choses, sont sûrs d’ennuyer. Si M. Thomas avait été persuadé de cette vérité, son discours n’aurait guère été plus long que celui de M. l’archevêque de Toulouse, et il ne se serait peut-être pas fait des affaires. M. Thomas était, en sa qualité de directeur de l’Académie, chargé de répondre au discours du récipiendaire, et il crut cette occasion favorable pour exposer et préconiser les avantages et les prérogatives de la profession d’homme de lettres sur tous les états de ce bas monde. Ce discours était très-long et fatigua un peu l’auditoire. M. Thomas me dira qu’il en a sacrifié près de la moitié au désir d’être court, et je le sais ; mais c’est qu’il a au suprême degré le défaut de ne savoir se borner ni finir, et ce défaut l’empêchera peut-être d’obtenir une place parmi les écrivains du premier ordre. Il est arrivé dans cette occasion un autre inconvénient que personne n’a pu prévoir. M. Séguier, avocat général du roi au Parlement de Paris, et l’un des Quarante de l’Académie, avait publié, environ quinze jours avant cette séance, son réquisitoire contre les livres dits impies que le Parlement avait fait brûler, tandis que M. Thomas s’abandonnait à son enthousiasme pour les gens de lettres, et à son indignation contre leurs détracteurs et leurs calomniateurs. M. Séguier se mit dans la tête que la partie de cette harangue, qu’on pouvait appeler philippique, était prin-