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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/135

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cipalement dirigée contre lui ; il rougit et pâlit alternativement, et se cacha même le visage avec ses deux mains. On prétend que la partie des auditeurs qui était placée en face du requérant s’aperçut de l’étrange confusion où il était, et redoubla les applaudissements et les battements de mains à tous les endroits qui pouvaient lui être appliqués, ce qui acheva de le déconcerter et prolongea son supplice d’une manière bien cruelle. Ce qu’il y a de certain, c’est que la harangue de M. Thomas avait été composée avant la publication du réquisitoire de M. Séguier ; qu’elle avait été communiquée à M. l’archevêque de Toulouse, à plusieurs académiciens, ainsi qu’à d’autres personnes, et que tous conviennent unanimement que l’auteur en a retranché beaucoup de choses, mais qu’il n’y a pas fait une seule addition depuis que le réquisitoire a paru. J’ai consulté séparément deux hommes sages qui ne se connaissent pas, qui ont tous les deux assisté à la séance académique, qui n’ont pas été infiniment contents, ni l’un ni l’autre, du discours de M. Thomas, mais qui sont sortis tous les deux de l’Académie sans se douter de la plus petite allusion ni au réquisitoire de M. Séguier ni à aucune autre affaire du temps. Je suis d’autant plus convaincu de l’innocence de M. Thomas à cet égard que c’est l’homme du monde le plus éloigné du penchant de la satire ; qu’il ne lui est peut-être de sa vie échappé ni un sarcasme ni un trait tendant à rendre ridicule, et qu’il serait à désirer que ses ennemis pensassent avec autant d’honnêteté, de noblesse et d’élévation que lui. Cependant il passe pour constant qu’immédiatement après cette séance si terrible pour la conscience du requérant, il alla se plaindre à M. le chancelier de l’insulte qu’il venait de recevoir en pleine Académie, en présence d’un prince d’un sang royal. Tout Paris s’entretint de cette prétendue insulte, et chacun en parla suivant les intérêts de son parti. Bientôt la calomnie s’en mêla ; on dit que le discours de M. Thomas n’était qu’une satire violente du gouvernement ; qu’on y avait exagéré les malheurs des peuples ; qu’on s’y était permis des allusions les plus hardies ; qu’on n’avait loué le duc de Villars comme gouverneur de province que pour faire une satire sanglante contre M. le duc d’Aiguillon ; que celui-ci avait demandé au roi justice de l’audace de l’orateur de l’Académie.

Quoi qu’il en soit, et de ces discours calomnieux et des déla-