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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/139

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Aurèle qu’il comptait faire imprimer l’hiver prochain, ainsi qu’un Essai sur les éloges historiques, et un autre sur les femmes. J’ai peu de regret à ce dernier, car M. Thomas connaît les femmes à peu près aussi bien que les hommes. Quoi qu’il en soit, nous ne verrons rien de tout cela, du moins de longtemps : après l’éclat qui vient d’arriver, le silence le plus absolu peut seul mettre l’auteur à l’abri des délations, des imputations, des applications, des interprétations et des malheurs qui en pourraient être la suite.

M. Marmontel a lu dans cette séance mémorable un épisode d’un poëme en prose intitulé les Incas, ou la Conquête du Pérou, qu’il se propose de donner incessamment au public. Ce fragment a fort ennuyé l’assemblée, et c’est un sinistre présage pour le succès de la totalité de l’ouvrage. L’auteur a lu d’ailleurs d’un ton si affectueux, si pathétique, si lamentable, que son épisode n’en a pas paru plus touchant, mais plus ridicule.

M. le duc de Nivernois a terminé la séance par la lecture de quelques fables qui sont en possession des plus grands applaudissements du public et qui n’ont paru de trop cette fois qu’à M. le requérant Séguier. M. Dorat, qui est en possession d’adresser ses hommages à toutes les beautés célèbres, sans les connaître, vient de chanter les charmes d’une nouvelle Hébé. Cette Hébé-Dervieux est une petite danseuse de l’Opéra, affligée de quinze ou seize ans ; c’est un de ces enfants qui dansaient à l’âge de neuf à dix ans dans les champs Élysées de l’opéra de Castor, et qui sont devenus la plupart de très-jolis sujets pour la danse. Si je ne craignais de me brouiller avec M. Dorat, je dirais que je trouve à Hébé-Dervieux l’air un peu commun, avec l’éclat et la fraîcheur de la première jeunesse, ce qui ne l’a pas empêchée de gagner déjà des diamants. Elle vient d’acheter une maison rue Sainte-Anne, qu’elle a payée soixante mille livres ; elle en dépensera autant en embellissements, et j’aurai l’avantage inestimable d’être son voisin quand elle donnera à souper à M. Dorat. Elle joua et chanta, il y a quelques années, le rôle de Colette, dans le Devin du village, avec beaucoup de gentillesse, et personne ne dansa mieux à sa noce qu’elle-même ; c’est là l’époque de sa célébrité.

— On donna le 20 du mois dernier, sur le théâtre de la Comédie-Italienne, la première représentation du Nouveau