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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/174

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genre est bon, nous l’adopterons sans préjudice d’aucun autre genre également bon. Il n’y a pas jusqu’à l’opéra-comique qui n’ait à se plaindre de l’Épître à l’empereur de la Chine, dans laquelle on affecte de le confondre avec cet opéra-comique en couplets et en vaudevilles chanté sans instruments et anciennement en vogue. Cet ancien opéra-comique, aussi contraire aux bonnes mœurs par ses allusions indécentes qui en faisaient tout le sel qu’au bon goût par l’ineptie et les contre-sens perpétuels des paroles arrangées sur de vieilles chansons, cet ancien opéra-comique n’existe plus, et M. de Voltaire le sait bien. Quoi qu’il en soit, il est beau d’écrire à l’âge de soixante-dix-sept ans à la Chine avec cette facilité et cet agrément.

Il ne faut pas être rancunier, et moins avec le patriarche qu’avec qui que ce soit ; mais, pour le confondre, il faut lui faire lire la lettre suivante, et l’obliger d’avouer à haute et intelligible voix qu’il n’existe dans l’histoire aucune période connue où les têtes couronnées aient écrit dans ce goût et de ce style. Quoique les lettres qu’il leur plaît d’écrire à des particuliers ne soient pas des gazettes, et doivent être pour le moins aussi sacrées que toute lettre en général, celle dont le roi de Prusse vient de m’honorer ne me paraît pas un monument moins glorieux pour la littérature que celle que Sa Majesté a écrite quelque temps auparavant à M. d’Alembert. En conséquence je me permettrai de l’insérer dans ces fastes ignorés, tout comme l’autre l’a été dans les fastes de l’immortalité ou de l’Académie française. Alexandre lisait peut-être l’Iliade avec autant de plaisir que Frédéric la Henriade ; mais nous n’avons aucune preuve que le Macédonien possédât l’art d’écrire et encore moins l’art de chanter comme le Prussien.


« Potsdam, le 26 septembre 1770.

« Il faut convenir que nous autres, citoyens du nord de l’Allemagne, nous n’avons point d’imagination ; le P. Bouhours l’assure, il faut l’en croire sur sa parole. À vous autres voyants de Paris, votre imagination vous fait trouver des rapports où nous n’aurions pas supposé les moindres liaisons. En vérité, le prophète, quoi qu’il soit, qui me fait l’honneur de s’amuser sur mon compte, me traite avec distinction ; ce n’est pas pour tous les êtres que les gens de cette espèce exaltent leur âme : je me