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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/181

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de tous les exemplaires de son Choix de chansons qu’il donnait à la cour. Sa vieillesse était devenue un sujet de plaisanterie à la cour. On le disait beaucoup plus vieux qu’il n’était, parce que M. le comte de Maurepas, ancien ministre d’État, aimait à dire que Moncrif avait été prévôt de salle lorsque son père y faisait des armes, ce qui, par une supputation fort aisée, donnait à Moncrif près de cent ans ; mais c’était une plaisanterie. Moncrif était né d’une honnête famille de Paris, et même avec quelque bien. Il avait eu dans sa jeunesse la passion des armes ; il fréquentait beaucoup les salles, où l’on est en usage d’appeler les plus habiles les prévôts de salle ; mais il n’en a jamais fait les fonctions par état. Il avait été l’ami et le courtisan du comte d’Argenson, ministre de la guerre. Le roi, qui aime à s’entretenir d’âge, dit un jour à Moncrif qu’on lui donnait plus de quatre-vingt-dix ans. Je ne les prends pas, sire, répondit Moncrif ; et, si l’on peut s’en rapporter au témoignage de ces demoiselles, il n’en eut jamais les symptômes.

— En vous parlant de l’Analyse de Bayle, publiée par M. Robinet[1], je ne m’étais pas aperçu que les quatre premiers volumes ne contenaient que l’Analyse imprimée il y a une quinzaine d’années par l’abbé de Marsy, et qu’il eut défense de continuer. Il n’y a ici que les quatre derniers volumes qui soient l’ouvrage de M. Robinet ; mais je crois le travail de M. Robinet supérieur au travail de l’abbé de Marsy.

— Si vous voulez vous amuser de l’imbécillité et de la fatuité d’un barbouilleur de papier, il faut lire les Observations sur Boileau, sur Racine, sur Crébillon, sur M. de Voltaire et sur la langue française en général, par M. d’Açarq, des Académies d’Arras et de La Rochelle[2]. Cela est vraiment précieux par l’extrême impertinence du style et des prétentions de l’auteur. Ce d’Açarq est un ancien maître de pension, assez mauvais sujet, moitié bête et moitié fou. Il se prétend surtout profond grammairien et élève de Dumarsais. Il dit que le rapport mutuel et précis des mots fait les ressorts divins d’une langue ; que M. de Voltaire sacrifie aux agréments matériels l’active précision qui est d’un ordre supérieur : que le style grammatical

  1. Voir précédemment page 131, notes 1 et 2.
  2. 1770, in-8°.