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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/183

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le même ordre dans lequel elles ont été jouées à Fontainebleau. En conséquence, on donna sur ce théâtre le 26 du mois dernier la première représentation de Thémire, pastorale en un acte, dont les paroles sont de M. Sedaine et la musique de M. Duni. Cette pièce avait été faite pour la société de Mme Bertin, femme du trésorier des parties casuelles, lequel, avant son mariage, était appelé, par les demoiselles de l’Opéra, Bertanus ; on ne sait si c’est simplement pour le distinguer de M. Bertin, ministre et secrétaire d’État, ou par des raisons plus approfondies de la part de cet illustre aréopage. Mme Bertin, qui est Jumilhac de son nom, si je ne me trompe, avait joué le rôle de Thémire elle-même, au mois d’août dernier, sur un petit théâtre de sa maison de campagne à Passy. La société qui la vit jouer était brillante et choisie, et le succès qu’elle eut détermina M. le duc d’Aumont, premier gentilhomme de la chambre en exercice, à demander la pièce aux auteurs pour la cour, où elle ne réussit point.

L’idée de cette petite pièce est tirée d’une églogue de Fontenelle, la neuvième dans le recueil de ses poésies pastorales, intitulée Ismène. C’est une bergère qui a tous les symptômes de la maladie qu’on appelle amour, qui en convient même avec son berger, mais qui n’en veut pas souffrir le nom ; son refrain est :


Mais n’ayons point d’amour, il est trop dangereux.


M. Sedaine a conservé à sa Thémire le caractère, la conduite, et presque les paroles de l’Ismène de Fontenelle.

Il n’y a dans cette petite pièce que ces trois acteurs : le père, la fille et l’amant. En la jugeant, il ne faut pas oublier que c’est une simple pastorale sans incidents, sans intrigue, et par conséquent sans catastrophe.

Le rôle du père est charmant d’un bout à l’autre. Malgré cela la pièce n’a pas eu de succès, quoiqu’elle ait été jouée à ravir par Caillot, Clairval et Mme Laruette ; il en faut dire ici les raisons.

Premièrement, la musique du bon vieux papa Duni est misérable. Pas un air qui ne soit faible, commun, trivial, sans idée et sans couleur. Il y a longtemps que Duni devrait se reposer pour l’intérêt de sa gloire et de notre plaisir. Lorsqu’il vint en France, son goût et son style étaient déjà vieux ; mais avec son