Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Parlement, intendant de la maison de madame la dauphine, l’un des quarante de l’Académie française et de celle des inscriptions et belles-lettres, est mort le 24 novembre dernier, dans la quatre-vingt-sixième année de son âge. Il ne faisait que végéter depuis longtemps. Sa nièce, la comtesse de Jonsac, tenait sa maison, donnait à souper, recevait le grand monde ; le président radotait ou dormait dans son fauteuil, et était content. À tout prendre, le président Hénault doit être compté parmi les hommes les plus heureux de son temps. Son père, ancien fermier général, si je ne me trompe, lui avait laissé une grande fortune. Né avec des qualités estimables, mais pas assez remarquables pour exciter l’envie et la jalousie de personne, il jouissait du privilège et du bonheur des gens médiocres, d’être aimé de tout le monde sans avoir un seul ennemi. Il était très-frivole ; il n’y avait en lui que la superficie, mais cette superficie était agréable. Il faisait de jolis vers de société ; il donnait d’excellents soupers ; il avait été à la mode dans sa jeunesse, et avait conservé l’usage du grand monde dans un âge plus mûr. Pour satisfaire sa petite ambition, car tout était petit et joli en lui, il quitta de bonne heure le palais, et acheta la charge de surintendant de la maison de la feue reine, et ne laissa pas d’avoir aussi sa petite existence dans ce petit cercle. Il composa ensuite son Abrégé chronologique de l’Histoire de France, qui lui procura les honneurs littéraires et le titre de double académicien. Cet abrégé n’est pas, à beaucoup près, un ouvrage sans mérite ; mais on ne peut se cacher que ce mérite a été infiniment exagéré, et que si un pauvre diable, relégué dans un quatrième étage, avait publié ce livre, il n’aurait pas reçu la moitié des éloges qui ont été prodigués au président Hénault. Personne n’a plus efficacement travaillé à la réputation de cet ouvrage que M. de Voltaire. L’auteur y mit bientôt toute sa gloire, toute son existence. Il ne s’occupa qu’à en soigner et à multiplier les éditions ; et quand il y en avait une de finie, il en commençait une autre ; il en entendait ainsi parler tous les jours de sa vie, et ce n’est pas ce qui contribua le moins à son bonheur. L’abbé Boudot, employé à la Bibliothèque du roi, aujourd’hui paralytique à force d’avoir gagné des indigestions chez le président, était spécialement chargé du département littéraire et historique. Je me souviens de vous avoir rendu compte, il n’y a pas longtemps, des autres