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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/198

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l’immortalité que les monuments de la sagesse et de la gloire du règne actuel de la Russie, je meurs de peur de m’affermir dans la pensée hérétique que l’esprit ne gâte jamais rien, même sur le trône ; ce qui est bien fort.

— On a donné, le 6 de ce mois, sur le théâtre de la Comédie-Italienne, la première représentation des Deux Avares, comédie en deux actes et en prose, mêlée d’ariettes. C’est la seconde des pièces qui ont été représentées sur le théâtre de la cour à Fontainebleau ; elle est de M. Fenouillot de Falbaire, et M. Grétry l’a mise en musique. La scène est à Smyrne. Deux avares, M. Gripon et M. Martin, Français de naissance, ayant appris par le public que le mufti, enterré de la veille, l’avait été avec beaucoup de bijoux et de choses précieuses, forment le projet d’entrer de nuit dans le tombeau et de le piller. Deux obstacles s’opposent à ce dessein ; la garde des janissaires qui fait la patrouille, et, pour comble de malheur, on a apporté de Paris à Smyrne ces nouvelles lanternes à réverbère, de sorte qu’on voit dans les rues la nuit tout comme en plein jour. Les deux avares se concertent pour faire leur coup la nuit. Ils ont, l’un un neveu, l’autre une nièce qui s’aiment et qui méditent un autre coup ; c’est de se soustraire à la tyrannie de ces vilains, d’emporter avec eux leurs nippes et leurs bijoux, et de s’embarquer pour la France. Les deux amoureux font leur complot dans la même place où leurs vieux coquins d’oncles venaient de faire le leur. Il y a dans cette place un puits qui est presque à sec. La suivante apporte dans une corbeille les choses précieuses appartenant à sa maîtresse, et place cette corbeille sur le bord du puits ; l’amoureux, par un mouvement d’étourderie, la pousse et la fait tomber dans le puits. Grande désolation. Enfin, comme le puits est à sec, il se détermine à y chercher et à reprendre la corbeille de sa maîtresse. Celle-ci, aidée de sa suivante, le descend dans le puits au moyen d’une corde. Lorsqu’il s’agit de le remonter, la garde des janissaires approche ; les deux filles sont obligées de se sauver dans la maison, et l’amoureux reste au fond du puits. Quand la garde a passé, les deux avares arrivent pour leur expédition. Après avoir cogné quelque temps, ils viennent à bout d’ouvrir le tombeau ; l’un d’eux y descend, et n’y trouve pour tout bien qu’un bonnet du mufti et son vieux manteau ; l’autre, furieux d’être trompé dans