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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/203

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Chine, etc. Cette traduction était annoncée depuis longtemps. Il faut du courage et de la patience pour la lire, et tout lecteur qui ira jusqu’au bout sans ennui pourra se vanter d’une intrépidité à laquelle je ne prétends pas. Il verra aussi qu’en généralisant un peu les idées, les hommes de tous les temps et de tous les pays se ressemblent plus qu’on ne pense, et que le cercle de la folie et de la sagesse humaine n’est pas aussi étendu ni aussi diversifié qu’on le croirait d’abord. Je désirerais à M. de Guignes une érudition moins systématique et moins embrouillée. Il ne sera jamais mon guide dans les ténèbres chinoises dont je me sens entouré, et d’où il ne me tirerait que pour m’enfoncer dans les ténèbres plus épaisses d’Égypte. En vérité, je crains que nous ne nous en tirions de notre vie ni l’un ni l’autre, quoiqu’il y ait consacré toutes ses veilles, et que je n’y aie pensé qu’en passant par manière de délassement. Mon parti est bien pris : à moins d’avoir passé une vingtaine d’années dans la bonne et dans la mauvaise compagnie de Pékin, et d’avoir appris à jaser avec tous les mandarins de l’empire, je ne me résoudrai jamais à avoir une idée arrêtée sur la Chine. Au reste, la morale du Chou king est austère et excellente comme celle de tous les livres de morale. Confutzée est l’apôtre favori du patriarche de Ferney. Vous trouverez en entrant dans le cabinet de Ferney son portrait avec ces vers :


De la simple vertu salutaire interprète,
Qui n’adoras qu’un Dieu, qui fis aimer sa loi,
Toi qui parlas en sage et jamais en prophète,
S’il est un sage encore, il pense comme toi[1].


— La foule innombrable de compilations de toute espèce et de toutes couleurs, qui se succèdent avec une rapidité étonnante depuis quelques années, m’avait déterminé depuis longtemps à m’en tenir simplement à l’indication de leurs titres ;

  1. Voltaire, dans la section première de son article De la Chine, dictionnaire philosophique, rapporte cette inscription de la manière suivante :


    De la seule raison salutaire interprète,
    Sans éblouir le monde éclairant les esprits.
    Il ne parla qu’en sage et jamais en prophète ;
    Cependant on le crut, et même en son pays.