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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/228

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Je ne sais pas le nom de l’insigne barbouilleur qui s’est aussi avisé de ramasser des pièces fugitives, et qui se propose d’en donner tous les mois un cahier, sous titre de Secrétaire du Parnasse, ou Recueil de nouvelles pièces fugitives, en vers et en prose, accompagnées de notes critiques et impartiales. C’est une rapsodie informe et détestable, composée de toutes sortes de morceaux tronqués, et dont la plupart sont imprimés depuis très-longtemps. On rencontre d’ailleurs à chaque page les vestiges de la plus crasse ignorance et de la négligence la plus entière ; un colporteur a plus de littérature que ce misérable compilateur. On a publié, jusqu’à présent, deux cahiers de cette mauvaise rapsodie, mais elle ne se continuera sûrement pas, parce qu’elle ne trouvera point de débit. Le rapsodiste a dédié son détestable Secrétaire à M. Arouet de Voltaire, comte de Ferney, et je suis bien fâché que M. le comte de Ferney ait agréé cet hommage, et qu’il ait assuré de sa plus respectueuse reconnaissance un misérable scribe qui n’est pas digne de laver la vaisselle dans la cuisine de M. le comte. Le barbouilleur n’a eu rien de plus pressé que de mettre à la tête de son Secrétaire l’hommage de la plus respectueuse reconnaissance de M. le comte de Ferney ; et, pour lui prouver combien il en est digne par ses lumières, son bon goût et son discernement, il a fait imprimer, sous le nom de M. de Voltaire, une Épître écrite de la campagne à Mme Ch***, actrice de la Comédie de Marseille. Cette épître est un chef-d’œuvre d’insipidité et de platitude[1]. Je ne suis pas trop fâché de cette petite mortification pour M. le comte de Ferney, qui s’en est tiré en homme d’esprit, en écrivant, après la publication du premier cahier, au plat compilateur une seconde lettre qu’il faut conserver ici.

  1. Le Secrétaire du Parnasse, que Grimm traite si sévèrement, est Laus de Boissy, qui est entièrement oublié aujourd’hui, parce qu’il n’a publié que des brochures éphémères ou de très-médiocres pièces de théâtre. Quant à l’Épître à mademoiselle Ch*** (Chéré), actrice à la Comédie de Marseille, que ce secrétaire a eu le malheur d’attribuer à Voltaire, et qui a valu au véritable auteur, Piron, une petite leçon de versification, elle se trouve dans différents recueils, et commence par ces vers :

    Ô bel objet désiré
    Du plus amoureux des hommes :


    Chéré était le nom du bel objet. (B.)