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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/272

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ne regarde pas de si près aux paroles, surtout d’un petit poëme en un acte ; et peut-être les platitudes de M. de Falbaire qu’on eût sifflées à la Comédie-Italienne, braillées par M. Le Gros et Mlle Rosalie, passeront pour de très-jolis madrigaux à l’Opéra.

— Depuis que la fureur de jouer des proverbes s’est répandue dans les sociétés de Paris, nous avons vu des facétieux aller, de cercle en cercle, contrefaire des gens ridicules et bien connus, et représenter de ces petits drames dont ils donnaient ensuite le proverbe à deviner aux spectateurs. Cette manière de contribuer à l’amusement de la société n’est pas précisément le chemin qui mène à la considération, mais elle donne une sorte d’existence à Paris, et l’accès auprès de la bonne compagnie, où cette classe de personnes n’aurait jamais figuré sans l’amusement qu’elle procure. Nous avons vu briller pendant un certain temps une Mlle Delon, de Genève, qui avait épousé ici un gentilhomme, et se faisait appeler la marquise de Luchet. M. le comte d’Albaret était un autre acteur principal de ce genre. Un commis dans les fourrages, homme original et plaisant, qui contrefait les Anglais dans la perfection, et qui est généralement connu à Paris sous le nom de milord Gor, était aussi de cette troupe, qui se mêlait quelquefois avec Préville et Bellecour de la Comédie-Française, excellents en ce genre, lesquels amenaient encore avec eux l’avocat Coqueley de Chaussepierre, qu’on dit sublime. Milord Gor se fit des affaires il y a quelque temps, et perdit Mme de Luchet. Une femme de qualité, fort décriée à la vérité pour ses mœurs, se trouvant chez Mme de Luchet, milord Gor contrefit le médecin anglais avec une telle vérité qu’il inspira à la dame la plus grande confiance. Elle passa avec lui dans un cabinet, où l’on prétend que la confession de la malade et les essais du médecin furent poussés fort loin. Cette histoire fit beaucoup de bruit : milord Gor et Mme de Luchet avaient été assez imprudents pour la conter. La dame, furieuse d’avoir été jouée d’une manière si impertinente, et d’être la fable de Paris, se plaignit ; on mit le médecin anglais en prison, et Mme de Luchet fut réprimandée à la police. Or, une femme reprise par la police n’est plus reçue nulle part, et la pauvre diablesse de Luchet est tombée dans la dernière misère : je crois même qu’elle n’est plus à Paris.

Un jeune homme qui se destine à la peinture, appelé Touzet,