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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/285

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ce qui porte l’empreinte du mérite. Les gens de lettres et les artistes se rappellent avec reconnaissance la simplicité avec laquelle le prince héréditaire de Saxe-Gotha s’est trouvé au milieu d’eux, et ils n’ont pas plus oublié sa douceur et sa modestie que ses lumières et ses connaissances. Quoique à force d’opéras-comiques et de bals on n’ait guère laissé le temps au roi de Danemark de respirer ni de se reconnaître, l’usage d’accueillir les gens de lettres avait déjà reçu force de loi ou du moins d’étiquette ; et Sa Majesté a non-seulement honoré de sa présence, à l’exemple du prince héréditaire de Brunswick, les séances particulières des trois Académies, mais elle a encore consacré une demi-heure à une audience à laquelle elle a fait appeler les philosophes les plus célèbres ; et si ce court espace n’a pas suffi pour en connaître aucun, il leur a du moins appris qu’ils sont comptés au rang de ces objets de curiosité qu’il faut avoir vus.

Le séjour du prince royal et du prince Frédéric-Adolphe de Suède n’a pas été célébré par des bals et des opéras-comiques : jamais le baromètre de Paris ne fut moins à la danse que cet hiver ; mais la nation s’est empressée à payer par des hommages plus flatteurs le tribut qu’elle devait à leur rang, à la réputation de leur auguste mère et à leur propre mérite. Leurs Altesses Royales, de leur côté, ont fait l’accueil le plus flatteur à tous ceux qui ont été à portée de leur faire leur cour, et ont admis à leur table, indistinctement, tout ce qu’il y a de plus illustre en France par la naissance et par le rang, et les artistes et les gens de lettres les plus estimés. Mais la nouvelle imprévue de la mort subite du roi leur père les a dérobés au bout de quelques semaines à l’empressement du public, et a fait prendre à leur séjour un autre caractère. Quoique le nouveau roi[1] se soit arrêté plus de trois semaines en cette capitale, après l’arrivée du premier courrier, il n’a plus reparu en public, et je crois que des objets politiques ont eu sa principale attention ; cependant Sa Majesté n’a pas voulu quitter Paris sans honorer de sa présence l’Académie française et l’Académie royale des sciences.

Elle se rendit le 6 mars, sans appareil et sans cortége, à la

  1. Gustave III.