Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Enfant prodigue et de Nanine, qui ne sont autre chose que des comédies larmoyantes, et qui ne brillent pas par le comique que l’auteur a tenté d’y jeter. En général, une pièce n’est jamais mauvaise à cause de son genre ; elle l’est en proportion de la faiblesse ou du défaut de talent de l’auteur, de la puissance ou de l’impuissance de celui qui crée. Les comédies de Molière ne sont pas excellentes à cause de leur genre ; au contraire, elles sont en défaut de ce côté, parce que la fausse délicatesse de nos mœurs ne lui a pas permis de nommer les choses par leur nom, de peindre les caractères avec la précision et la vérité qu’ils exigent ; il y a jusque dans ses allusions satiriques un vague qui sait moins désigner que faire deviner ; mais ses pièces sont supérieures à tous ces petits inconvénients, parce que Molière était un homme supérieur ; ce qui n’empêchera pas le Philosophe sans le savoir, et quelques autres pièces de cette trempe, de plaire aussi longtemps qu’il y aura du goût en France.

M. Sumarokoff a beau se faire écrire des lettres par le premier homme du siècle, il n’en recevra jamais qui puisse soutenir la comparaison avec celle dont il a été honoré par son auguste souveraine[1]. Cette lettre marque une si grande âme, une âme si simple et si supérieure au premier rang de la terre, que je la conserverai précieusement entre les plus beaux monuments du règne de Catherine II. C’est pour la première fois, depuis qu’il existe des gouvernements, que la puissance souveraine a trouvé les cheveux blancs et les services rendus à l’État plus respectables dans un sujet que le caractère représentatif qu’elle lui a communiqué ; c’est pour la première fois que la souveraine du plus vaste empire de l’Europe n’a pas jugé indigne d’elle de remettre, avec une bonté vraiment maternelle, dans son bon sens, la tête d’un poëte qui jouit par état du privilège de s’en écarter, mais à qui ce privilège eût été contesté partout ailleurs, moyennant une petite lettre de cachet en bonne ou mauvaise forme.

Ce que vous aimerez mieux que cette profession de foi écourtée, c’est un Sermon fraîchement sorti de la fabrique de Ferney, du papas Nicolas Charisteski, prononcé dans l’église de

  1. Voir précédemment page 187.