Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enceinte et presque à terme ; la femme d’un marchand de drap, relevée de couches depuis neuf mois et demi et puis les maris de tout cela, et puis les enfants de sept et de neuf mois, et puis la nourrice, et puis la sage-femme, et puis la garde de femmes en couches ; et puis c’est M. de Moissy qui accouche de toutes ces bêtises ! Cela est en vérité d’une platitude exquise et remarquable, et il faut l’avoir lu pour croire que de telles productions se publient à Paris en 1771. Il faut que M. de Moissy se fasse recevoir à Saint-Côme en qualité d’accoucheur-moraliste, il fera sûrement une révolution dans les rues Saint-Denis et Saint-Jacques, à moins qu’il ne reçoive avant le temps la couronne du martyre par les mains des nourrices de Paris, pour avoir voulu ruiner leur état de fond en comble.

— La société de M. de Magnanville, garde du trésor royal, qui, depuis deux ou trois ans, passe la belle saison au château de la Chevrette, à trois lieues de Paris, s’occupe à jouer la comédie pour son amusement. Cette troupe de société est supérieurement bien composée, et ses représentations ont attiré une foule de spectateurs choisis de la cour et de la ville. Parmi les actrices Mme la marquise de Gléon, Mlle de Savalette sa sœur, et Mme de Pernan, fille de M. de Magnanville, ont montré un talent décidé. M. le chevalier de Chastellux a fait jouer successivement sur ce théâtre de la Chevrette trois pièces de sa composition : une comédie en un acte, intitulée les Amants portugais, une comédie en trois actes, intitulée les Prétentions, et enfin une imitation libre de Roméo et Juliette, tragédie de Shakespeare. Ces représentations ne soutiendraient peut-être pas le grand jour du théâtre public ; mais elles ont attiré à chaque fois beaucoup de monde, et l’on a applaudi à plusieurs détails qui ont paru heureux et charmants. M. de Magnanville de son côté a été auteur et acteur à la fois ; il a composé une pièce en trois actes, intitulée les Orphelines, qui a eu le plus grand succès. Je ne sais si c’est l’essai de M. le chevalier de Chastellux qui a enhardi un détestable barbouilleur à faire imprimer un Roméo et Juliette en cinq actes et en vers libres ; ce barbouilleur est le même qui donna il y a quelques années un drame de Bélisaira[1]. Cela n’est pas lisible. On imprime depuis quelque temps une si grande foule

  1. Mouslier de Moissy, 1777. Voir tome VIII, p. 273.