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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/421

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semaines, m’étant dépouillé de la robe consulaire et couvert de la tunique simple et aisée d’un homme privé, être errant sans savoir encore précisément où me conduiront mes premiers pas, car je ne me suis jamais occupé de cet objet dans la vie ; tout lieu, tout destin, tout système a été égal pour moi.

« Si je m’étais, monsieur, cru malheureux dans tout ce qui vient de m’arriver, glorieux des bontés dont m’honore Son Altesse sérénissime monseigneur le duc de Deux-Ponts, je serais redevenu dans l’instant fier, content et heureux ; dans la paix que j’ai conservée elles redoublent mon bonheur, et je vous prie de mettre à ses pieds cet hommage de ma reconnaissance et de mon respect.

« Quant à cette personne céleste[1] qui m’honore de son souvenir dans la situation où je me trouve, sans avoir le bien inestimable de la connaître, j’adore et je reconnais toutes ses grâces et celles de son âme si belle et si sensible. Je me mets à ses pieds, monsieur, et l’admiration et la reconnaissance m’y tiendront toute ma vie.

« M. Manlich[2], qui vint me voir et dîner avec moi il y a quelques jours, sujet aimable et habile, nous quitte ; il me remit votre lettre, à laquelle j’ai l’honneur de répondre.

« Partout où j’irai, j’emporterai, monsieur, le souvenir de l’amitié dont vous m’honorez, et j’en connaîtrai le prix en vous priant de me permettre de la cultiver. »

— Le vieux malade de Ferney vient de donner un fâcheux symptôme de caducité. De tous les sujets traités par Crébillon, Rhadamiste et Zénobie à part, il ne restait que la tragédie d’Atrée et Thyeste que le vieux malade n’eût pas tenté de refaire ; il vient de s’acquitter de ce soin. Sa tragédie des Pélopides, qu’il a insérée dans une nouvelle édition de ses Œuvres qui se publie à Lausanne, traite ce sujet, et doit remplacer la tragédie d’Atrée et Thyeste de Crébillon, qu’on ne joue au reste jamais. Malheureusement, celle du vieux malade ne sera pas jouée non plus ; ou si elle l’était, ce serait bien tant pis pour elle. Un libraire de Paris l’a tirée de l’édition de Lausanne, et l’a impri-

  1. Mme la comtesse de Forbach. (Grimm.) Jeune peintre de beaucoup de talent que le duc de Deux-Ponts a fait
  2. élever et voyager en Italie et en France. (Id.)