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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/442

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sous les peines de droit. Nous dévouons l’auteur à l’anathème, où son partage sera avec Coré, Dathan et Abiron, et voulons que notre présent mandement soit lu au prône des messes paroissiales des églises des villes, bourgs et villages de notre diocèse. Donné à Aix, en notre palais archiepiscopal, le 13 mars 1766.

Signé : ✝ J.-B. Antoine, archevêque d’Aix.

— Je ne sais quel goguenard de prêtre vient de publier une Lettre à M. de V*** par un de ses amis, sur l’ouvrage intitulé l’Évangile du jour : c’est un écrit in-8° de soixante-douze pages[1]. Rien n’est plus adroit à un habitué de paroisse que de prendre le ton goguenard avec le patriarche de Ferney, sur les matières en question. Cela n’a été lu de personne : ces bons apôtres, qui nous fatiguent de leurs réponses, devraient bien apprendre de notre saint-père le pape les égards qui sont dus au patriarche. Un Anglais, près de passer les Alpes, s’était arrêté à Ferney pour voir M. de Voltaire, et, en prenant congé de lui, lui demanda ses ordres pour l’Italie. Le patriarche le pria, à tout hasard, de lui en rapporter les oreilles du grand-inquisiteur. L’Anglais, arrivé à Rome, parle de cette commission dans quelques cercles, et ces propos parviennent aux oreilles du pape. Lorsque cet Anglais se rend à l’audience de Sa Sainteté, elle lui demande, après quelques discours, si M. de Voltaire ne l’a pas chargé de quelque commission. Le voyageur comprit que le pape était instruit, et se mit à sourire. « Je vous prie, lui dit Sa Sainteté, de mander à M. de Voltaire qu’il y a longtemps que l’Inquisition n’a plus d’yeux ni d’oreilles[2]. » Clément XIV aurait fait une grande fortune de son temps, s’il n’avait pas été précédé par Benoît XIV.

— Il paraît depuis quelque temps un Spectateur français que je n’ai jamais lu, ni vu, ni aperçu dans aucune bonne maison, où cependant l’accès est assez facile aux mauvaises bro-

  1. Ce n’est point un goguenard de prêtre, mais un honnête laïque, nommé Ducarne de Blangy, qui a mis au jour en 1771 (Paris, Gueffier, in-8°) cette Lettre à M. de V***. L’auteur fit paraître une seconde Lettre la même année, et une troisième en 1773. (B.)
  2. Voltaire rapporte cette anecdote dans une lettre du 27 novembre 1771, adressée au cardinal de Bernis. (T.)