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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/457

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« Au château de Ferney, le 1er décembre 1771.

« Mon cher successeur des Délices, je m’en rapporte bien à vous sur la statue ; personne n’est meilleur juge que vous. Pour moi, je ne suis que sensible ; je ne sais qu’admirer l’antique dans l’ouvrage de M. Pigalle ; nu ou vêtu, il ne m’importe. Je n’inspirerai pas d’idées malhonnêtes aux dames, de quelque façon qu’on me présente à elles. Il faut laisser M. Pigalle le maître absolu de sa statue. C’est un crime en fait de beaux-arts de mettre des entraves au génie. Ce n’est pas pour rien qu’on le représente avec des ailes : il doit voler où il veut et comme il veut.

« Je vous prie instamment de voir M. Pigalle, de lui dire comme je pense, de l’assurer de mon amitié, de ma reconnaissance et de mon admiration. Tout ce que je puis lui dire, c’est que je n’ai jamais réussi dans les arts que j’ai cultivés, que quand je me suis écouté moi-même. »

Le patriarche a toute raison ; les conseils les plus éclairés ne feront jamais faire un ouvrage médiocrement beau ; ils peuvent influer sur la perfection de quelques petits détails, jamais sur la totalité. Pigalle ne sait pas draper ; ainsi il faut qu’il fasse la statue du patriarche nue, ou qu’il ne s’en mêle pas. C’est ce qu’il fallait considérer dans le commencement de l’entreprise, car aujourd’hui il est trop tard. Mais on crut alors devoir s’adresser au premier sculpteur de la France, sans examiner si parmi ceux qui le suivaient à leur rang dans l’Académie il n’y en avait pas de plus propre que lui à faire cette statue. Je ne suis pas plus engoué qu’un autre de cette nudité patriarcale ; mais Pigalle, ayant passé toute sa vie à modeler le nu, ne la couvrira jamais d’une manière satisfaisante ; Vassé aurait conçu sa figure drapée, et l’aurait, je crois, exécutée avec tout le succès possible, parce que son style ne manque ni de goût, ni de simplicité, ni de grandeur.

— La mort de M. le comte de Clermont, prince du sang, ayant fait vaquer une place à l’Académie française, la troupe des Quarante immortels y nomma, sur la fin de l’année der-

    cabinets de tableaux dont il publia les catalogues raisonnés. Le premier, imprimé en 1765, est celui de la collection achetée par Catherine, le second fut rédigé par Paillet, pour la vente faite à Paris en 1780.