Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/456

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

après un siècle entier : Voilà cette famille respectable qui a subsisté pour être la condamnation d’un parlement qui n’est plus !

« Voilà les vœux que fait pour elle le vieillard qui va bientôt partir de ce monde. »

Hélas ! cette justice éclatante, et presque sans exemple, qui condamne les premiers juges à payer tous les frais du procès, se réduit à les contraindre, par toutes les voies dues et raisonnables, à payer et rembourser sans délai, audit Sirven, la somme de trente-huit livres huit sous six deniers. Voilà les termes de l’arrêt. En revanche Sirven est chargé, par cet arrêt, des frais de la contumace, liquidés à la somme de deux cent vingt-quatre livres dix sous six deniers. Le pauvre Sirven a été depuis dix ans fugitif et errant avec sa famille. Enfin il rentre dans ses biens, et n’en sera pas moins ruiné de fond en comble, tandis qu’il en coûtera trente-huit livres huit sous six deniers aux premiers juges pour le plaisir qu’ils ont eu de le condamner à la potence, et de lui causer des maux irréparables. Ma foi, le patriarche a raison ; voilà une justice sans exemple. Je crois qu’il a besoin de s’en imposer à lui-même par une magnificence de termes qui dérobe un peu la mesquinerie du fond. Tout ce qu’on en peut dire, c’est que cela vaut encore mieux que de n’obtenir aucune justice. Le patriarche n’a pas été si heureux dans la cause de ses paysans de Franche-Comté, qui l’a tant occupé en 1770 et 1771 ; ils ont perdu leur procès au conseil, et ont été déclarés serfs des chanoines de Saint-Claude, pour me servir du dictionnaire de leur avocat résidant à Ferney.

— Comme la nudité de sa statue projetée par Pigalle a occasionné un schisme mémorable parmi les souscripteurs, le patriarche a cru devoir en marquer son sentiment à M. Tronchin, ancien conseiller d’État de la république de Genève, qui se trouve à Paris en ce moment ; c’est un amateur éclairé des arts, qui possédait un cabinet de tableaux très-choisis, lequel est allé grossir les richesses de la galerie impériale de Pétersbourg, où le cabinet tout entier du feu baron de Thiers va être également transporté[1].

  1. Francois Tronchin, cousin du médecin, né en 1704, mort en 1781, forma deux