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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/459

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modeste ; il ne se croit pas peut-être un aussi grand géomètre qu’il l’est ; cependant, quand il dit que le roi sembla se faire un plaisir de voir l’Académie dans le prince de son sang, il prouve évidemment que le contenu peut être plus grand que le contenant, et le chevalier de Causans[1] aurait donné beaucoup en son temps, si l’abbé Batteux avait voulu lui administrer cette preuve irrécusable : car dès que le roi l’a vu, quel est le patriote français qui en voulût douter ?

M. de Belloy a fait, en entrant dans l’Académie, un acte de patriotisme en rétablissant, par son exemple, les discours de réception dans leur insipidité primitive, dont quelques novateurs avaient essayé de s’écarter ; ils voulaient substituer à tant d’éloges fastidieux la discussion de quelque objet littéraire, et mettre des choses à la place des mots. M. de Belloy n’est pas tombé dans ce dangereux écart, et il ramène ses confrères, autant qu’il dépend de lui, à leur premier devoir, que La Fontaine leur avait tracé en ces vers :


On ne peut trop louer trois sortes de personnes :
on Ses dieux, sa maîtresse et son roi.


Sa maîtresse, c’est l’Académie, cela va sans dire ; ses dieux, c’est le cardinal de Richelieu, le chancelier Séguier, et le prédécesseur du récipiendaire, puisque, par son assomption, il a fait vaquer une place. M. de Belloy leur associe encore un demi-dieu, c’est M. le maréchal de Richelieu, qu’il ne tient sans doute à la demi-paye que parce qu’il se promène encore tout embaumé dans cette vallée de misère. Ce demi-dieu tant chanté par Voltaire, et tant loué par M. de Belloy, pour arrêter l’ivrognerie du soldat pendant l’expédition de Minorque, fit une ordonnance qui défendit à tout soldat ivre de monter la tranchée, et l’ivrognerie cessa sur-le-champ. Ce trait n’a pas échappé à M. de Belloy, qui le rapporte en termes pompeux et nationaux. Après ces éloges, ce qu’on trouve encore dans le discours du nouvel académicien, c’est les mots cœurs, honneur, patrie. Il dit aussi que des étrangers qui ont assisté à la distribution de ces marques de distinction que le roi a accordées depuis peu aux sol-

  1. Celui dont il a été parlé tome II, p. 8 et 83.