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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/460

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dats qui ont servi un certain nombre d’années ont laissé échapper des larmes non suspectes, et n’ont pu proférer dans leur saisissement que ces deux mots : Quelle nation ! quelle nation !

« Eh bien, Français, ajoute-t-il, pourriez-vous vous refuser votre propre estime ? » Les Français ont l’honneur de l’assurer que cela ne leur est plus possible, et que puisqu’il les en prie si fort, ils s’acquitteront de leur devoir à cet égard ; et les étrangers qui liront le discours de M. de Belloy ne pourront dans leur saisissement proférer que ces deux mots : Quel patriote ! quel patriote !… Au reste, il n’a pas mal tiré son prince prédécesseur de la bataille de Crevelt. « Ah ! messieurs, dit-il, lorsque dans la guerre suivante, M. le comte de Clermont commanda en chef, s’il eût été servi comme il avait servi Maurice (Maurice, c’est le maréchal de Saxe), que la France pourrait ajouter de lauriers à ceux qu’elle sème sur la tombe de ce généreux prince ! » Cette tournure pourrait faire croire aux étrangers qu’il faut être académicien avant d’être patriote, et que M. de Belloy, pour excuser son prédécesseur, sacrifie sa nation, ce qui n’est pas trop national ; car enfin c’est dire en termes assez précis, ou que les troupes n’ont pas fait leur devoir, ou que leurs chefs ont été des lâches, en un mot que les Français n’ont été que des Bressans ce jour-là, ce qui serait non-seulement le contraire de la vérité, mais diamétralement opposé au véritable esprit du patriotisme français, dont M. de Belloy porte les stigmates. Quoi qu’il en soit de cette tournure, qui sacrifie la réputation de la nation à celle d’un académicien, je trouve le discours de réception de M. de Belloy mieux écrit que les préfaces de ses tragédies, et en tout digne de l’immortalité à laquelle l’Académie consacre ses travaux. Cependant ces messieurs ont voulu faire les désintéressés sur leur nouvelle acquisition, et lorsqu’on leur en fait compliment, le dédaigneux Marmontel répond par ces vers de la Henriade :


Médicis la reçut avec indifférence,
Sans remords, sans plaisir, maîtresse de ses sens,
Et comme accoutumée à de pareils présents.

— On vient de publier le catalogue des tableaux qui composent le cabinet de M. le duc de Choiseul, et dont la vente se fera