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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/286

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que les Indiens s’étaient entendus et avaient comploté ce qu’ils avaient fait, et comme ils l’avaient attaqué lui et les siens, ils devaient avoir agi de même avec les habitants de la ville, comme avec ceux qui étaient répandus dans les villages voisins, qui n’avaient pas la moindre idée d’un pareil soulèvement, ayant toujours trouvé ces Indiens dociles et soumis.

Persuadé de la gravité de cette rébellion et désireux de venger la mort des Espagnols, j’envoyai en toute hâte cinquante chevaux, cent arbalétriers et arquebusiers et quatre pièces d’artillerie sous les ordres d’un capitaine espagnol qu’accompagnaient deux corps de nos alliés, de quinze mille hommes chacun. Je donnai au capitaine l’ordre de gagner la province à marches forcées, sans s’arrêter nulle part qu’il n’eût atteint la ville de Santisteban pour avoir des nouvelles des habitants et des gens que nous y avions laissés ; car il pouvait arriver qu’étant assiégés, ils se défendissent encore et qu’on arrivât pour les secourir.

En effet, le capitaine fit diligence, pénétra dans la province, se battit deux fois avec les naturels qu’il dispersa, et entra dans Santisteban où il trouva vingt-deux chevaux et cent fantassins qui, assiégés par les Indiens, avaient déjà fait plusieurs sorties, et les tenaient en échec avec quelques pièces d’artillerie. Mais ils avaient toutes les peines du monde à se défendre, et si le capitaine avait tardé trois jours, pas un d’eux n’aurait survécu. C’est qu’ils mouraient de faim ; ils avaient envoyé un brigantin des navires de Garay à la Veracruz, pour me donner de leurs nouvelles, car c’était la seule voie qui leur fût ouverte ; ils demandaient aussi des vivres qui leur arrivèrent après que mon lieutenant les eût déjà secourus.

Ce fut là que mes gens apprirent comment les hommes que Francisco de Garay avait laissés dans un village appelé Tamiquil au nombre d’une centaine, tant piétons que cavaliers, avaient tous été massacrés à l’exception d’un Indien de la Jamaïque qui s’enfuit dans les bois et qui put raconter comment ils avaient été surpris pendant la nuit. Il se trouva, après enquête, que Garay avait perdu en cette affaire deux cent dix hommes, et nous quarante-trois qui se trouvaient dans les villages qui leur avaient été attribués. On croyait même que le gouverneur avait