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EN EUROPE

théologie, et, me montrant un énorme manuscrit d’environ mille pages, écrit d’une main ferme et exercée, il me dit avec une délicieuse modestie de jeune auteur, — modestie tempérée d’une légère pointe d’amour-propre, — qu’en prévision d’un voyage dans un pays lettré et catholique comme la France, il avait traduit en latin un ouvrage par lui composé d’abord en annamite. Il ajouta que son livre avait exclusivement trait à la divinité de Jésus.

— Pensez-vous, me dit-il, que je trouverai facilement un éditeur ?

J’hésitai, je l’avoue, à décourager ce fervent chrétien, assez candide pour supposer qu’un ouvrage latin catholique aurait du succès parmi nous. Je lui répondis que peut-être certaines revues spéciales pourraient publier quelques fragments de son manuscrit.

Une idée navrante surgit alors subitement en moi : cette vie de Jésus écrite pieusement par ce fils de l’Orient me rappela le livre fameux qui venait de paraître, et dont le titre était tout à fait identique. Le jeune néophyte, enfant d’une contrée encore païenne, se présentait en Europe avec un livre inspiré par la foi la plus pure, et toutes les librairies allaient lui être fermées ; tandis que l’ouvrage où les attaques étaient dirigées contre le fondateur de notre religion se voyait presque disputé par tous les éditeurs.

Après une heure de charmantes causeries sur l’Orient,