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IMPRESSIONS DES ANNAMITES

sur la littérature hindoue, sur les ruines du Cambodje et sur les graves affaires de Cochinchine, je voulus prendre congé du jeune interprète.

— Attendez, me dit-il, je désire que mon frère vous soit présenté.

Et il frappa familièrement l’épaule d’un gros garçon d’environ vingt-deux ans, étendu sur un canapé, et qui se mit sur ses deux pieds avec une lenteur tout à fait orientale. Le frère de Pétrus avait un embonpoint qui confinait l’obésité ; ses prunelles sombres nageaient dans une choroïde jaunâtre et ne révélaient que l’indolence. Ses joues et son front étaient fortement marqués de la petite vérole. Une sorte de jus rougeâtre dû au bétel perlait sur ses lèvres, et, lorsqu’il répondit au compliment que j’eus la politesse de lui adresser, je vis les plus affreuses dents que j’aie jamais aperçues ; elles étaient toutes déchaussées et noires comme de l’encre.

Je serrai la main de l’ami Pétrus, qui m’accompagna jusqu’en bas, et me demanda, en chemin, comment je trouvais son frère.

— Ma foi, lui dis-je, assez embarrassé de cette question, je vous avouerai que je ne l’ai qu’imparfaitement remarqué ; je ne puis guère formuler mon jugement.

— C’est qu’il est très-beau, mon frère, reprit-il avec une légère nuance de fierté.

Je ne m’attendais guère à pareille révélation.