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quelque part notre épisode étroitement lié à un récit d’un caractère tellement indien que le dénouement, dans lequel le goût de terroir est prononcé au plus haut degré, paraît n’avoir pu, — à la différence de tant d’autres productions du même sol, pourtant bien singulières parfois, — se faire accepter dans aucun folklore occidental.

Le conte qui offre cette intime combinaison, — un conte littéraire, enfoui dans un livre français du xviiie siècle, où Guillaume Grimm l’a signalé jadis (III, p. 308), mais sans en soupçonner l’importance, — s’est déjà rencontré sur notre route, et nous avons eu à en étudier précisément le dénouement, en tant que reflétant cette conception indienne des plus étranges, une jeune femme persécutée se transformant en un palais, dans l’intérieur duquel son mari la retrouve vivante[1].

L’introduction de ce conte explique le titre d’Incarnat, Blanc et noir, qui lui a été donné, il y a deux cents ans, par le rédacteur français anonyme[2].

Un prince, se promenant par un temps de neige, tue une corneille. « L’éclat de son plumage noir, la blancheur de la neige et la rougeur de son sang produisirent un assemblage de couleurs dont le prince fut frappé. Il se dit qu’il ne sera heureux que quand il aura trouvé « une personne dont le teint incarnat et blanc serait relevé par des cheveux d’un noir parfait ». Une « voix » lui dit : « Allez, prince, dans l’Empire des merveilles : au milieu d’une immense forêt vous trouverez un arbre chargé de pommes… Cueillez-en trois et soyez assez maître de vous-même pour ne les ouvrir qu’à votre retour ; elles vous offriront une beauté telle que vous la désirez ».

Nous renvoyons, pour la suite et pour le dénouement du conte à notre précédent travail. Épousée par le prince, la belle Incarnat, Blanc et Noir devient l’objet de la haine de sa belle-mère qui, après l’avoir fait tuer, la poursuit à travers des transformations successives (poisson incarnat, blanc et noir, arbre aux trois mêmes couleurs), jusqu’à ce que, des cendres de l’arbre, brûlé par son ordre, surgisse un palais de rubis, de perles et de jais, — les trois couleurs encore, — dans lequel le prince finit par pénétrer, et où il retrouve sa chère Incarnat, Blanc et Noir.

  1. Voir Les Mongols et leur prétendu rôle dans la transmission des contes indiens vers l’Occident européen (Revue des Traditions populaires, novembre 1912, p. 519 — p. 99 du tiré à part).
  2. Le conte d’Incarnat Blanc et Noir fait partie des neuf contes d’un livre intitulé Nouveau Recueil de contes de fées, dont une première édition a paru en 1718, une seconde en 1731, et qui a été réimprimé en 1786, dans le Cabinet des Fées, tome XXXI.