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mencement du xvie siècle, ils ont des possessions ? C’est tout ce qu’il y a de moins probable. Le conte doit être d’abord arrivé en Portugal par une des voies qui ont amené en Europe diverses formes de ce thème. Du Portugal il a volé vers les Açores avec d’autres de nos contes asiatico-européens, dans les bagages des colons, si l’on nous permet cette métaphore.


Avec un conte italien de Rome, revient la marâtre[1] :

Un roi, en chassant, s'arrête chez un paysan pour se désaltérer. La jeune fille qui lui offre un verre d’eau, est si belle que le roi lui demande si elle veut être sa femme : il reviendra la prendre dans huit jours. Quand il revient, la marâtre substitue à la fiancée sa fille à elle, une affreuse créature, en la couvrant de manteaux et de voiles : « Si un souffle d’air la frappe, elle perdra toute sa beauté ! » Puis, sur le conseil d’une sorcière, la marâtre enfonce une épingle magique dans la tête de la belle jeune fille, qui devient colombe.

Ici, — et nous retrouverons ce trait dans un grand nombre de variantes italiennes de ce thème, — la colombe entre dans la cuisine du palais et chante : « Cuisinier, cuisinier de la cuisine du roi ! Que ferons-nous de la reine ? Puisse tout le monde s’endormir et le dîner brûler ! » Le cuisinier s’endort, en effet, et le dîner du roi brûle. Le roi, à qui le cuisinier, pour s’excuser, raconte l’aventure, lui dit qu’il lui pardonnera, s’il lui apporte cette « singulière colombe ». Suit l’épingle retirée et le reste.


Dans un conte grec moderne provenant de l’île de Chio et qui a été publié en 1843 par J. A. Buchon, d’après une rédaction beaucoup trop littéraire, à lui remise[2], ce sont les deux sœurs aînées de la jeune reine, jalouses de sa beauté, qui lui enfoncent dans la tête l’épingle magique, le jour où elle met au monde un fils (elles ont eu accès auprès de la princesse en se donnant pour les plus habiles sages-femmes du royaume). Ici, l’oiseau dialogue avec le jeune roi :

« Prince, la reine-mère, le roi et le petit prince ont-ils bien dormi, la nuit passée ? — Oui, » dit le roi. — « Que tous dorment du sommeil le plus doux ; mais que la jeune reine (la fausse reine) dorme d’un sommeil sans réveil, et que tous les arbres que je traverse se dessèchent !»

  1. Miss R.-H. Busk, The Folklore of Rome (Londres, 1874), p. 22 et suiv.
  2. J. A. Buchon, La Grèce continentale et la Morée (Paris, 1843), p. 263, — reproduit dans le Recueil de contes populaires grecs d’Émile Legrand (Paris, 1881), p. 133 et suiv. Cf. p. XVI.