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LE SÉRUM QUI TUE

ai trouvé l’air étrange. Je venais à peine de commencer à la questionner que la crise terrible et fatale commençait…

CHAUVRETTE : — Oui, je vois. M. Lancroix, seriez-vous assez aimable pour m’aider ? Nous allons transporter le corps de cette pauvre petite madame dans sa chambre. (Il se lève).

RENÉ : — Mais, certainement, docteur.

JACQUES : (Il désigne la porte de droite) C’est là !… (Chauvrette et René prennent le corps rigide de Cécile et le transportent dehors.)


Scène XV

ANDRÉE, JACQUES.

Jacques se promène, l’air profondément absorbé. Chaque fois qu’il passe devant Andrée, assise, et aussi songeuse, il la regarde avec des yeux de convoitise. Il s’arrête devant elle.

JACQUES : — Andrée… je vous remercie de vos sympathies… vous avez été très bonne et je vous en suis reconnaissant. Andrée… je suis libre, maintenant… par une triste fatalité… mais je suis libre… m’écouterez-vous ?

ANDRÉE : (Elle a un geste d’horreur.) Oh !…

JACQUES : — Ah ! Andrée ! ne me repoussez pas ! Si vous saviez combien l’amour que j’ai pour vous me consume et me fait souffrir. Rien qu’un peu de vous-même, de votre cœur, serait pour moi un baume très doux… si doux. Je brûle,… je vous désire de toutes mes forces. (Il s’approche d’elle.) Acceptez mon amour, Andrée, soyez bonne, je vous aime tant que je suis prêt à tout pour obtenir votre amour. (Il s’approche encore et fait un geste pour la prendre dans ses bras.)

ANDRÉE : (Elle se lève vivement et recule.) Oh ! misérable ! Alors que le corps de votre pauvre femme, de cette pauvre Cécile est encore dans cette maison, ici, à côté, vous révélez cet amour ignoble qui vous possède ! Misérable ! oui vous êtes un misérable et ne méritez que le mépris !… Je vous hais !… je vous déteste !… Ah !… je les connais vos manœuvres horribles !…

JACQUES : (Surpris.) Que voulez-vous dire ?

ANDRÉE : — Oh !… vous me comprenez !… Cette piqûre au bras de Cécile… cette expérience hypocrite que vous avez tentée sur elle ! Je le sais ! Elle m’a tout dit, cet après-midi !… Ah ! si l’on faisait analyser ce merveilleux sérum, je crois que l’examen révélerait des choses intéressantes, n’est-il pas vrai, docteur DesNoyers !

JACQUES : (Avec un geste de prière.) C’était pour vous… je vous aimais trop et je veux vous obtenir coûte que coûte. (Il s’avance vers elle.)

ANDRÉE : (Elle recule.) Arrière ! misérable ! Vous n’êtes qu’un… assassin ! Je vais tout révéler !

JACQUES : (Il esquisse un sourire de sarcasme.) Andrée ! vous ne pouvez faire cela. Pensez au scandale qui surgira lorsque je dirai que c’est pour vous que j’ai fait cela. Votre mariage avec René… brisé ! Sa douleur à lui et à vous ! Y avez-vous pensé ?

ANDRÉE : (Elle s’est reculée, le visage caché dans ses mains.) Oh !… misérable… misérable !… Vous avez manigancé votre crime avec une adresse diabolique… (Elle se laisse tomber sur un siège. Jacques fait un geste pour aller vers elle, mais s’arrête brusquement, car René et le Dr  Chauvrette entrent par où ils sont sortis.)


Scène XVI

ANDRÉE, JACQUES, RENÉ, CHAUVRETTE.

RENÉ : (Il va vers Jacques, à qui il tend la main.) Mon cher Jacques… si tu me permets, je vais m’occuper de toutes les formalités. Je veux te rendre ce service.

JACQUES : (qui a repris son visage impassible.) Tu es bien bon, René, et je ne puis que t’en remercier.

RENÉ : — Viens, Andrée. Nous allons partir immédiatement pour tout régler au plus vite. Au revoir, Jacques ! Du courage !… (Il sort par la porte du centre, avec Andrée, qui s’est levée, sans dire un mot et qui sort au bras de René, la tête haute et l’air hautain.)


Scène XVII

JACQUES, CHAUVRETTE.

CHAUVRETTE : — Si vous permettez, docteur, je vais me retirer, moi aussi. Mon devoir m’appelle malheureusement ailleurs. Je vous réitère de nouveau toutes mes sympathies les plus sincères et vous dis au revoir !