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LE SÉRUM QUI TUE


JACQUES : — Bonjour Chauvrette ! Je vous remercie du service rendu.

CHAUVRETTE : — Oh ! docteur, l’amitié me le commandait ! (Il sort.)


Scène XVIII

JACQUES, seul.

Il regarde la porte par où on a transporté Cécile. Il se passe les deux mains sur le front et la tête, les yeux fixes, grands ouverts. Il fait un geste de recul.

JACQUES : — Ah !… quel cauchemar !… (Il se tourne vers la porte du centre par où est sorti Andrée. Il crie, le bras droit aux doigts crispés tendus vers cette porte ; et la main gauche sur le front.) ASSASSIN !… Tu le sais que je suis un assassin !… mais je t’aurai QUAND MÊME !


RIDEAU


Fin du premier acte.


LE SÉRUM QUI TUE

ACTE Deuxième


Vivoir d’un chalet dans les montagnes. Une table, une cheminée ou flambe une grosse bûche projetant une lueur rouge se mêlant à la lueur bleue de la nuit. Deux fauteuils devant la cheminée, chaises et autres ornements ordinaires. Une porte au fond, une porte à gauche. Fenêtre par où on distingue le décor de la montagne. C’est le soir. L’orage gronde dans le lointain et quelques rares éclairs viennent jeter leur lueur brève dans la pièce.

Lorsque le rideau se lève, Andrée et René Lancroix, maintenant mariés, sont assis dans les deux fauteuils, en face de la cheminée.


Scène XIX

ANDRÉE, RENÉ.

ANDRÉE : — L’orage gronde ce soir, il sera bientôt rendu ici, je crois.

RENÉ : — As-tu peur de l’orage, ma petite Andrée ?

ANDRÉE : — Oh ! non ! Avec toi à mes côtés, je n’ai peur de rien.

RENÉ : — Es-tu heureuse ?

ANDRÉE : — Oh ! oui ! Bien heureuse… notre voyage de noces fut un rêve… un doux rêve… un rêve merveilleux que je revivrai toujours… Et il est doux de venir ici se reposer, après nos fatigues, dans ce décor si beau de la montagne… loin du monde… sans aucune visite importune…

RENÉ : — À propos de visite, lorsque j’ai été en ville, hier, sais-tu qui j’ai rencontré ?

ANDRÉE : — Non… qui donc ?

RENÉ : — Le docteur Jacques DesNoyers…

ANDRÉE : — Lui !…

RENÉ : — Oui. Si tu l’avais vu comme il est changé depuis la tragique mort de sa femme. Il a maigri, il est pâle comme un cadavre, ses grands yeux sont profondément cernés et il déambule comme un automate, le regard perdu dans le vague… J’ai eu peine à le reconnaître. Et si tu voyais comme il a l’air triste, ce pauvre ami !

ANDRÉE : — Vraiment ? (À part.) C’est le remords qui le ronge…

RENÉ : — Le voyant dans cet état, je l’ai invité à venir se reposer ici quelque temps. Il ne nous dérangera pas. Il a hésité avant d’accepter mais je l’ai décidé en disant que toi et moi serions bien heureux de lui apporter un peu de réconfort.

ANDRÉE : — Pourquoi l’as-tu invité, cela va peut-être briser notre tranquillité.

RENÉ : — Oh ! non. Je ne crois pas. Le docteur est trop discret et sa peine semble trop grande pour qu’il nous dérange. Je crois plutôt qu’il passera ses journées à aller rêver… là-bas… dans la montagne… Dans tous les cas il m’a promis d’arriver ce soir et j’attends la voiture d’une minute à l’autre. S’il peut arriver avant l’orage.

Andrée se lève et va à la fenêtre. Les éclairs deviennent plus fréquents et le tonnerre gronde plus fort. La porte à gauche, qui était restée ouverte, claque et se refermant brusquement, poussée par un courant d’air. Geste nerveux d’Andrée.

RENÉ : (qui a vu le geste.) Es-tu nerveuse ?

ANDRÉE : (Elle revient s’asseoir). Oui. Je ne sais ce que j’ai, mais cette histoire du docteur… venant ici… m’a bouleversée.

RENÉ : — Voyons, ma petite Andrée, tu as meilleur cœur que cela et tu ne refuserais pas de consoler notre ami Jacques dans sa grande peine.

ANDRÉE : — Oh ! René, si tu savais !…

RENÉ : — Quoi ?

ANDRÉE : — Rien…