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les voies de l’amour

tous les services possibles quoi qu’il lui en coutât. Un clin d’œil, un sourire et surtout un petit mot d’amour la payaient grassement et avaient le don de la rendre câline. Je vous laisse à penser jusqu’où nous abusions de sa naïveté et comme nous prenions plaisir à la faire tomber en pâmoison. Pour une pièce de cinq sous ou même d’un sou, elle nous aurait sauté au cou et nous aurait pincé follement les joues entre ses deux spatules ; mais hélas ! pour ne pas en éprouver de l’horreur il aurait fallu être dans des ténèbres profondes. Ah ! la pauvre petite niaise, laide, bonne à tout faire et en plus estropiée d’un nom qui prêtait aux quolibets : Ildefonse !

« J’aurais peut-être pu vous faire grâce de cette vision hideuse, mais Ildefonse et les deux autres jeunes filles, qui nous servaient à table, restent dans le musée de ma vie comme des figures ou des tableaux d’où je ne peux plus détacher les yeux tant ils m’ont frappé par leur beauté ou leur laideur. J’ai beau passer outre pour contempler les autres portraits qui se succèdent dans les galeries, j’ai beau vouloir en effacer les traits ou en changer l’apparence sous des couches épaisses de peinture pour y faire apparaître d’autres souvenirs, ma mémoire, ampoule puissante de rayons X, pénètre les couches superficielles surajoutées et me montre intacte l’effigie de l’amour avec ses ambitions, ses supercheries, ses tricheries, ses désespoirs et ses remords cruels. Malheureuse-