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les voies de l’amour

parce que l’amour de cette dernière ne paraissait plus avoir d’écho dans mon cœur. Que Jean aimât Andrée, je n’y voyais aucun mal, car je l’avais délaissée complètement ; mais qu’il cherchât à l’amoindrir, à la mépriser devant moi, c’est ce que je ne comprenais plus et c’est cela même qui aurait dû m’ouvrir les yeux. Mais, hélas ! mon amour pour Lucille était trop fort, trop violent pour que jamais je pusse m’offenser outre mesure des sentiments plus ou moins justes qu’on eût sur celle qui avait été un jour mon unique amour. Je n’aimais plus Andrée et j’aimais follement Lucille, que m’importait le reste. ? J’étais injuste pour tout ce qui n’était pas mon amour. Mes yeux, fixés sur Lucille, étaient éblouis et ne voyaient plus rien en deçà ni au delà.

Parfois, encore, quand j’étais seul avec Lucille, des accès de remords me prenaient. Je devenais pensif, triste, subconscient. Mon esprit s’envolait vers mon village, vers mon Andrée. J’allais la consoler de mon oubli, implorer son pardon, la prendre par la main, parcourir avec elle les belles allées de nos jardins, me blottir près d’elle sous les tonnelles, la conduire au piano et l’entendre chanter ses romances. Mon double près d’Andrée pleurait, sanglotait et il me semblait que mon cœur saignait abondamment. Mais Lucille près de moi s’apercevait vite, à la fixité de mon regard, à l’immobilité de mes traits, de la cause de ma tristesse, de mon trouble intérieur ;