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les voies de l’amour

interroger le docteur, dans la crainte de lui faire entendre le claquement de mes dents. La peur des morts me reprend plus fort que jamais. Le docteur Joyal, ses manches de chemise retroussées, nous donne quelques explications. Il saisit son scalpel et il se prépare à fendre la peau momifiée du bonhomme quand on l’appelle à son bureau. Mon frère et moi, nous nous regardons avec de grands yeux étonnés qui disent la peur. Le docteur trace à la hâte, avec un crayon dermographique, la ligne que le scalpel devra suivre. « Coupez la peau comme ceci, nous dit-il ; passez votre scalpel dans le cartilage entre le sternum et les côtes ; levez le sternum ; ouvrez la membrane en-dessous et vous verrez le cœur. Puis attendez-moi ; je descends dans quelques minutes. » Et puis il nous plaque là, tous les deux, dans cette cave nue, froide et sombre en face d’un mort qui semble nous regarder sournoisement entre ses paupières demi-closes.

« Je suis l’aîné ; c’est à moi de prendre le couteau et de trancher. Hélas ! ma main tremble et fend maladroitement en zigzaguant la peau coriace du cadavre. Les cartilages ossifiés cèdent difficilement au tranchant du couteau. Enfin je relève le sternum à moitié détaché ; malheureusement la pointe du couteau, que je tiens toujours d’une main tremblante, a percé le péricarde. L’air s’engouffre par la petite ouverture, déplace le