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les voies de l’amour

qui accrochaient une multitude de fils de fer, où la piaillerie des petits va-nu-pieds nous écorchaient les oreilles, où les cris grossiers des cochers et le grincement strident des essieux nous déchiraient le tympan, où la fumée de la cigarette imprégnait nos habits de l’odeur nauséabonde du Chinois, d’où l’on ne voyait jamais les feux de l’aurore ou du couchant, où le parfum préféré de Lucille n’avait encore rien de la suavité du trèfle qui mûrit, du sarrasin qui embaume le miel. Oh ! que j’adorais le réveil de la nature à la campagne ! Oh ! de la lumière éblouissante, des brises fraîches, des parfums délicats, le calme infini du matin qui devient plus sonore quand l’oiseau module ses premières notes ou que le coq solitaire entonne son cocorico. C’était l’heure de la rêverie douce, l’heure où l’esprit reposé reprend les beaux songes de la nuit et voudrait leur donner une réalité qui se prolongerait indéfiniment. Oh ! que j’aimais le crépuscule quand le calme renaît avant que la nature s’endorme ; c’était encore l’heure de la rêverie, l’heure où l’on pense aux beaux songes de la nuit qui vient. Je m’oubliais, j’oubliais mon moi étudiant, et je redevenais le petit campagnard qui ne voit rien de plus beau que son ciel, fût-il gris, rien de plus doux que le murmure de l’onde qui baise les rives fleuries, rien de plus charmant que la terre qui s’entr’ouvre sous le soc de la charrue ou que soulève le grain qui germe. Je redevenais le petit